par David Bailey et Soyoung Kim

Le conseil a demandé à Fritz Henderson, 51 ans, de démissionner lors d'une réunion qui s'est tenue à Detroit mardi, selon une personne au fait de la situation. Il n'était en poste que depuis huit mois.

Le président du conseil d'administration Ed Whitacre, 68 ans, assurera l'intérim. La recherche d'un nouveau directeur général a déjà commencé, a précisé GM .

Ce départ précipité souligne l'influence de certains administrateurs de GM, qui sont dans la ligne de Whitacre et ont été choisis par l'actionnaire majoritaire du constructeur, à savoir le Trésor américain.

Fritz Henderson, qui a fait toute sa carrière chez General Motors, avait été nommé directeur général en mars après que son prédécesseur Rick Wagoner eut été poussé vers la sortie par l'administration Obama.

"Le conseil a décidé - et Fritz a accepté - que, au vu de la situation actuelle de GM, il était temps de faire des changements", a déclaré Chris Preuss, un porte-parole de GM.

Ed Whitacre, ex-directeur général d'AT&T, a pris la présidence de GM en juillet à la suite de la constitution d'un nouveau conseil d'administration piloté par le Trésor et destiné à préserver l'investissement de 50 milliards de dollars d'argent public dans le constructeur.

L'Etat a une participation de 61% dans GM mais le gouvernement a bien souligné qu'il laissait à Ed Whitacre et au conseil le soin de veiller à ses intérêts. "Cette décision est le fait du seul conseil d'administration; le gouvernement n'a rien à y voir", a dit une porte-parole de la Maison blanche.

PAS DU SÉRAIL

Ed Whitacre, devenu l'image publique de GM dans la première campagne publicitaire qui a suivi la sortie du dépôt de bilan, a fait une brève apparition mardi au siège social de Detroit mais s'est refusé à expliquer sa décision de se séparer de Fritz Henderson.

Fritz Henderson "a accompli un travail remarquable en pilotant le groupe à travers une période sans précédent de turbulences et de bouleversements", a-t-il dit. "Bien que l'activité ait repris de la vigueur au cours de ces derniers mois, tout le monde a estimé qu'il fallait faire des changements."

Ed Whitacre, un Texan au franc-parler qui affirmait ne rien connaître au secteur automobile avant de devenir président de GM, a surpris son monde en programmant des visites d'usines inopinées et en posant des questions directes au personnel, à tous les niveaux de la hiérarchie.

Ron Gettelfinger, le président du syndicat United Auto Workers (UAW), estime que Whitacre est venu apporter la touche du changement dans un groupe où le conseil d'administration était réputé pour n'être qu'une chambre d'enregistrement des décisions de la direction.

Après cette dernière péripétie, les trois grands constructeurs automobiles américains - GM, Chrysler et Ford - ont à présent à leur tête des personnalités qui ne sont pas du sérail de Detroit.

Alan Mulally, directeur général de Ford Motor, avait quitté Boeing en 2006, tandis que Chrysler est à présent dirigé par Sergio Marchionne, l'administrateur délégué de Fiat.

Même si Ed Whitacre déplore que les restrictions salariales imposées à GM rendent plus difficile la recherche d'un nouveau dirigeant en externe, il est probable que le conseil d'administration s'en tiendra tout de même à l'option de l'"outsider", mieux à même de vendre la nouvelle image de GM, estiment des analystes et professionnels du secteur.

"Whitacre veut un directeur général qui ne soit pas de la maison; il veut un nouvel Alan Mulally", dit Logan Robinson, un professionnel de l'automobile devenu professeur à la Mercy School of Law de l'université de Detroit.

"PAS LA MÊME VISION"

Fritz Henderson s'était promis d'en finir avec des habitudes qui avaient provoqué la chute de GM, mais son mandat a surtout été caractérisé par des échecs répétés quand il a fallu vendre des marques du groupe.

C'est ainsi que le concessionnaire Pense Automotive Group a finalement renoncé fin septembre à reprendre la marque Saturn.

Puis, le conseil d'administration a franchement désavoué son directeur général lorsqu'il a finalement décidé de conserver Opel, alors que Fritz Henderson avait négocié et mis au point des mois durant la vente de la filiale européenne de GM.

Sans parler du constructeur suédois de voitures de sport Koenigsegg, intéressé par Saab, et qui a finalement jeté l'éponge. Le conseil d'administration a dit mardi qu'il étudierait d'autres possibilités pour Saab le mois prochain mais en viendrait à fermer purement et simplement ses usines si aucune ne pouvait se concrétiser.

Enfin, Ed Whitacre lui-même a paru remettre en cause l'objectif d'un retour en Bourse à marche forcée que préconisait son directeur général. Pour Whitacre, renouer avec le bénéfice et rembourser l'argent du contribuable sont autrement plus importants.

Il a souligné que la pression sur la direction ne se relâcherait que lorsque le groupe aurait renoué avec les bénéfices. GM a perdu 88 milliards de dollars depuis 2005 et a subi une perte de 1,2 milliard sur un troisième trimestre écourté, prévenant que le trimestre suivant serait encore plus éprouvant.

"Finalement, tout ça paraissait plutôt inévitable", constate David Bitterman, directeur général de Huron Consulting. "Il est évident que Whitacre et Fritz n'avaient pas la même vision de GM."

Version française Benoit Van Overstraeten et Wilfrid Exbrayat