* Les manifestants sont venus de toute l'Espagne

* Les organisateurs parlent de la "majorité silencieuse"

* Rajoy n'exclut pas de suspendre l'autonomie de la région

* Des entreprises veulent transférer leur siège social (Actualisé avec citations de Puigdemont, précisions)

par Sam Edwards

BARCELONE, Espagne, 8 octobre (Reuters) - Des centaines de milliers de partisans de l'unité de l'Espagne sont descendus dans les rues de Barcelone dimanche, une semaine après le référendum controversé sur l'indépendance de la Catalogne.

Les manifestants, qui étaient 350.000 selon la police et 950.000 selon les organisateurs, étaient venus de toute l'Espagne. Rassemblés dans le centre de la capitale catalane, ils agitaient des drapeaux espagnols et catalans où l'on pouvait lire : "La Catalogne c'est l'Espagne" et "Ensemble, nous sommes plus forts".

Samedi déjà, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dans une cinquantaine de villes d'Espagne pour défendre l'unité du pays ou réclamer l'ouverture d'un dialogue pour désamorcer la crise.

Il y a un mois, un million de personnes s'étaient rassemblées dans la capitale catalane en faveur du référendum sur l'indépendance.

Le président de l'exécutif autonome catalan, Carles Puigdemont, qui doit prendre la parole mardi devant le Parlement régional, pourrait proclamer l'indépendance de la Catalogne en s'appuyant sur les résultats du référendum du 1er octobre où le "oui" l'a largement emporté malgré un faible taux de participation.

Si l'indépendance est proclamée, Madrid pourra utiliser les pouvoirs que lui confère la Constitution pour limoger le gouvernement catalan et appeler à de nouvelles élections locales, a rétorqué le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, dans un entretien accordé samedi au quotidien El Pais.

"Je n'exclus absolument rien qui soit dans le cadre de la loi", dit-il en réponse à une question sur une activation de l'article 155 de la Constitution, qui lui donne ce pouvoir.

Le chef du gouvernement n'exclut pas non plus de suspendre le statut d'autonomie de la région.

Lors d'un entretien qui devait être diffusé dimanche soir par la télévision catalane, Carles Puigdemont a indiqué que la loi votée début septembre par le Parlement catalan pour préparer le référendum du 1er octobre prévoit une déclaration d'indépendance dans le cas d'un vote "oui".

"COUP D'ETAT"

"Nous appliquerons ce que dit la loi", devait déclarer Carles Puigdemont à TV3, selon des extraits diffusés sur le site internet de la chaîne de télévision catalan.

Il a dit ne pas avoir été en contact avec le gouvernement de Madrid depuis un certain temps parce que l'Espagne refuse de discuter indépendance. "Ce qui se passe en Catalogne est réel, que cela lui plaise ou non. Des millions de personnes ont voté, qui veulent décider. Nous devons en parler", a-t-il fait valoir.

Mariano Rajoy a dit plusieurs reprise qu'il ne parlerait pas aux dirigeants catalans s'ils ne renonçaient pas à leur projet de déclarer l'indépendance.

Le gouvernement autonome de Catalogne a publié vendredi soir les résultats définitifs de cette consultation qui avait été interdite par le Tribunal constitutionnel.

Le "oui" à l'indépendance l'a emporté avec 90,18% des voix de quelque 2,3 millions d'électeurs malgré le déploiement des forces de police, soit une participation de 43% des inscrits.

La manifestation de dimanche à Barcelone a accueilli le romancier et prix Nobel de littérature 2010 Mario Vargas Llosa, qui possède la double nationalité espagnole et péruvienne.

Il a déclaré aux journalistes que la participation massive montrait qu'il y avait "une très grande partie des Catalans qui ne se sentent pas représentés par les militants en faveur de l'indépendance et qui ne veulent pas du coup d'Etat que le gouvernement catalan est en train d'organiser".

Perdre la Catalogne est impensable pour l'Etat espagnol qui perdrait 16% de sa population, un cinquième de son produit intérieur brut (PIB) et plus d'un quart de ses exportations.

La crise politique a conduit un certain nombre de banques et d'entreprises à transférer leurs sièges sociaux hors de Catalogne. Dernières en date, les sociétés autoroutières Abertis et Colonial doivent réunir lundi leurs conseils d'administration à ce sujet.

La manifestation de Barcelone était organisée par la Société civile catalane, une organisation anti-indépendantiste qui dit représenter la "majorité silencieuse" des Catalans.

L'ancien chef du gouvernement socialiste, Felipe Gonzalez, a déclaré samedi à des journalistes alors qu'il se trouvait en Allemagne que, s'il était au pouvoir, il aurait déjà invoqué l'article 155 de la Constitution.

"J'aurais suspendu les dirigeants qui ont enfreint la Constitution et le statut d'autonomie (...)", a-t-il dit. (Avec Raquel Castillo et Robert Hetz à Madrid et Madeline Chambers à Berlin; Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Abertis Infraestructuras, Inmobiliaria Colonial SA