Investisseurs et analystes jugent pertinente cette opération visant à créer un acteur mondial, d'autant qu'Altran apporte une exposition accrue aux Etats-Unis à Capgemini qui ambitionne de réduire l'écart avec l'américain Accenture.

Altran a fini en hausse de 22,19% à 14,02 euros en Bourse de Paris, signant de loin la plus forte hausse d'un Stoxx 600 qui est resté inchangé (-0,04%). L'action s'est ainsi calée sur le prix de l'offre, à 14 euros par action.

Le titre Capgemini a pour sa part gagné 8,44% à 112,45 euros.

L'opération, qui doit être bouclée à la fin de l'exercice, va donner naissance à un groupe de 17 milliards d'euros de chiffre d'affaires employant plus de 250.000 personnes.

"Il s'agit d'une offre qui est amicale, qui fait beaucoup de sens au plan stratégique et qui est à un prix jugé convenable puisque la Bourse a amené le prix un petit en-dessous des 14 euros", explique une source au fait des discussions.

Pour financer l'acquisition, le groupe dirigé par Paul Hermelin dit avoir sécurisé un financement relais de 5,4 milliards d'euros, couvrant à la fois l'achat des titres Altran ainsi que le montant de la dette.

UNE "AUBAINE" POUR ALTRAN, JUGE INVEST SECURITIES

Les analystes d'Invest Securities, qui relèvent leur recommandation à "neutre" contre "vente" sur les deux titres, estiment que le rapprochement est une bonne chose pour les deux acteurs, à commencer par Altran.

"Au regard des risques pesant sur Altran en 'stand-alone', en particulier les difficultés liées à l'intégration d'Aricent et le lourd endettement qui limite les marges de manoeuvre du groupe, nous estimons qu'il s'agit d'une aubaine pour les actionnaires sur un titre qui aura parcouru des montagnes russes ces derniers mois", écrivent-ils dans une note.

Altran a été victime en janvier d'une attaque informatique rapidement résolue mais qui avait pesé sur son titre, avant un rebond en février à l'annonce d'une marge opérationnelle annuelle supérieure aux attentes et d'une accélération du désendettement.

Berenberg juge également l'opération d'un oeil favorable mais voit des possibilités limitées pour que l'action Altran monte au-delà du prix de l'offre, ce qui le conduit à dégrader la valeur à "conserver".

Capgemini, qui avait un temps songé à une alliance avec le français Publicis sur fond de convergence entre les univers du conseil et du marketing, fait ainsi le choix de se renforcer dans l'ingénierie.

L'acquisition d'Altran lui permet de grandir sur ce segment "où il était marginalement présent avec sa filiale Sogeti, afin de capter la croissance de ce marché dynamique", soulignent les analystes d'Invest Securities.

DANS LE TOP 10 AUX USA

Paul Hermelin, le PDG de Capgemini, qui dirigera le nouvel ensemble, a souligné qu'Altran lui amènerait 800 millions d'euros de chiffre d'affaires aux Etats-Unis, permettant au groupe de dépasser les cinq milliards sur ce marché crucial par sa taille et sa croissance.

"On va peut-être entrer dans le Top 10. On est loin du Top 5, la route est longue. Avec ça, on a du travail pour trois ans", a-t-il dit. "N'attendez pas de gros mouvements complémentaires aux Etats-Unis mais on n'est pas encore au bout de la route aux Etats-Unis."

Le nouvel ensemble réaliserait 31% de ses revenus en Amérique du Nord, 24% en France et 39% dans le reste de l'Europe.

Les analystes d'Invest soulignent que le recours par Capgemini à l'endettement pour racheter Altran est "créateur de valeur pour un groupe qui était pratiquement désendetté". L'endettement net de Capgemini fin 2018 était de 1,184 milliard d’euros, stable sur un an.

"Il est probable que sur deux, trois ans, on fera peu ou pas de rachats d'actions (...). On va se concentrer sur l'allègement du bilan", a dit Paul Hermelin.

Interrogé si cela allait se faire avec un maintien de la politique de dividende, il a répondu: "(...) ça c'est sûr".

Capgemini a décidé de verser un dividende de 1,70 euro par action à ses actionnaires pour 2018, soit un taux de distribution de résultat part du groupe à 36%, en ligne avec sa politique de distribution.

Altran a été conseillé sur l'opération par Perella Weinberg Partners, qui réalise ainsi un joli coup moins d'un an après l'ouverture de son bureau à Paris, tandis que Lazard a conseillé Capgemini.

(Avec Patrick Vignal, Cyril Altmeyer et Gwénaëlle Barzic, édité par Benoît Van Overstraeten)

par Matthieu Protard et Inti Landauro