Le premier groupe hôtelier européen souhaitait racheter tout ou partie des 14% détenus par l'Etat dans la compagnie aérienne, une opération perçue comme risquée et complexe à mener compte-tenu des agendas et des enjeux respectifs du groupe hôtelier, de l'Etat et d'Air France-KLM plongé dans une crise de gouvernance depuis le départ de son président Jean-Claude Janaillac.

Accorhotels a dit rester "convaincu du fort potentiel de création de valeur" d'un tel projet mais n'a pas donné de détails sur les motifs de sa décision.

Pour lui, il s'agissait de mieux s'armer face aux agences de réservations en ligne comme Booking ou Expedia qui proposent depuis longtemps des hôtels couplés à des vols.

En dépit de sa logique industrielle - rapprocher les savoir-faire de deux acteurs du tourisme, mutualiser leurs forces dans le digital, les bases de données et les programmes de fidélité - le marché jugeait très risquée une alliance capitalistique dans un secteur aérien difficile, sans parler des spécificités d'Air France aux prises avec des conflits sociaux récurrents.

Accorhotels a fait état jeudi de résultats semestriels en légère hausse en données comparables, grâce à la bonne tenue de ses performances en France et en Asie.

Le chiffre d'affaires du groupe qui détient plus de 25 marques dont Ibis, Novotel, Sofitel, Fairmont ou Raffles, a progressé de 3,0% et de 8,0% en données constantes, tandis que son excédent brut d'exploitation a reculé de 3,2% à 291 millions d'euros, impacté par des effets de change négatifs, pour une marge en baisse de 1,3 point à 20,0%.

En données comparables, le résultat a progressé de 4,2%.

Pour l'ensemble de l'exercice 2018, Accorhotels a dit viser un excédent brut d'exploitation compris entre 690 et 720 millions d'euros, une estimation inférieure aux 730 millions anticipés par les analystes et qui pèse sur le titre en Bourse jeudi matin.

La valeur cède 2,14% à 42,92 euros à 11h32, alors que l'indice CAC 40 avance de 0,83% au même moment.

TAUX D'OCCUPATION RECORD A PARIS

Le groupe profite du retour de la fréquentation des touristes étrangers en France, son premier marché, après un effondrement il y a deux ans lié aux attentats.

Son revenu par chambre disponible (RevPar), principale mesure d'activité du secteur, y a progressé de 5,6% malgré les grèves de la SNCF, tandis qu'il a grimpé de 9,5% à Paris où le taux d'occupation a atteint un record de 79%.

L'activité est également restée solide en Asie (RevPar en hausse de 5,0%) et a rebondi au Brésil (+9,8%) hormis à Rio de Janeiro, pour cause de surcapacités héritées des Jeux olympiques et de tensions sociales qui continuent de peser sur la demande.

A l'inverse, le revenu par chambre a reculé de 4% au Moyen-Orient, pénalisé par les tensions géopolitiques et des surcapacités hôtelières à Dubaï.

Le groupe a également annoncé la cession d'une tranche supplémentaire de 7% dans sa filiale immobilière AccorInvest au fonds Colony pour 250 millions d'euros, conservant désormais 35% de sa filiale.

Pour se diversifier et mieux résister à la concurrence des plates-formes de location comme AirBnB et des grandes centrales de réservation en ligne comme Booking, Accorhotels s'est profondément transformé et a multiplié les acquisitions.

Il a investi dans le luxe en rachetant les marques Fairmont, Raffles et Swissôtel, dans des plates-formes de location de résidences haut de gamme (Onefinestay, Travel Keys), dans la vente privée de voyages (VeryChic), la conciergerie (John Paul).

Gorgé de cash depuis la cession de ses murs d'hôtels pour 4,4 milliards d'euros, il a déjà investi 1,8 milliard d'euros dans des acquisitions depuis le début de 2018 et son directeur financier, Jean-Jacques Morin, a laissé entendre que le rythme allait se poursuivre.

Accorhotels a récemment pris une participation de 50% dans le sud-africain Mantis, exploitant de lodges de luxe, et a obtenu le feu vert pour racheter l'australien Mantra.

Il vient de prendre le contrôle de l'américain SBE Entertainment et de s'allier à son actionnaire qatari pour développer des hôtels en Afrique.

(Pascale Denis, édité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis