L’objectif de cours moyen a reculé de 11,45 à 10,34 euros sur Air France KLM entre la séance de jeudi dernier et celle de ce matin. Dans l’intervalle, la compagnie a annoncé des résultats trimestriels décevants et la démission de son PDG, désavoué après une consultation interne sur les projets. De 26%, la part d’analystes acheteurs est passée à 18%, tandis que 82% des professionnels sont désormais soit neutres, soit négatifs. « La résistance aux réformes nécessaires à une activité à peine rentable est préoccupante » aux yeux de Gerald Khoo, en charge du dossier chez Liberum, d’autant que, sans même considérer la problématique du nouveau PDG, « la marge de manœuvre est modeste au regard d’un bilan relativement faible et de marges basses ». Khoo salue aussi la prise de position du ministre des finances Bruno Le Maire qui a écarté que l’Etat vole au secours du transporteur en cas de coup dur ce qui est « de nature à décourager ceux qui pensent que le groupe peut ignorer la réalité économique », même si une telle intervention « aurait sans doute été plus utile avant le vote des salariés ».

L’analyste de Liberum voit deux options stratégiques désormais. D’abord, une capitulation à court terme, c’est-à-dire une proposition de hausse des salaires qui mettrait un terme à la grève. A longue échéance, cela signifie que le management devra attendre la prochaine récession pour mener une action en profondeur. A un horizon plus bref, cela signifie qu’Air France KLM restera peu compétitive sur une période de temps prolongée. Et cela posera aussi beaucoup de problème dans les relations avec KLM. L’autre option, c’est de se montrer plus ferme et poussant plus avant les réformes. Une hypothèse compliquée par le contexte actuel et les accords salariaux existants, qui complexifient la possibilité de lancer des services à bas coûts.

La presse anglo-saxonne et d'Europe du Nord est, évidemment, fort critique envers les employés d'Air France, même si elle n'épargne pas la stratégie jusqu'au-boutiste de Jean-Marc Janaillac, dont le coup de poker a échoué. Les anglophones peuvent aller jeter un coup d'oeil au poind de vue de Chris Bryant, un éditorialiste de Bloomberg qui n'est pas vraiment tendre avec le transporteur et ses salariés.

Des valorisations qui chutent

Liberum n’a pas encore remis ses projections à jour après les trimestriels, mais la tendance est à la dégradation. En attendant, le bureau d’études reste à conserver avec une valorisation à 8,20 euros, même si rien dans son commentaire ne pousse à l’optimisme. D’autres analystes ont déjà dégainé, comme la Société Générale, qui passe d’acheter à vendre en ramenant de 12 à 6 euros son objectif. Ou UBS, à neutre contre achat, pour une valorisation réduite de 12,50 à 8 euros. L'identité du prochain dirigeant, ou de la prochaine dirigeante, sera particulièrement importante. Les professionnels de la finance chercheront à déduire de son profil le type de stratégie qui sera mis en oeuvre. 
 

En marge de ses trimestriels, Air France KLM a révisé en baisse ses objectifs (source : présentation T1 AFKLM, 4 mai 2018)

Dialogue de sourds

Mardi 8 mai, la direction d'Air France a décliné la demande de reprise des négociations des syndicats, car "la période qui s'ouvre ne permet pas d'engager une quelconque négociation", a fait savoir la compagnie. A partir du 15 mai prochain, date de la démission effective de Jean-Marc Janaillac, il n'y aura en effet plus de pilote dans l'avion. On voit mal la société entamer des pourparlers en l'absence de PDG. L'intersyndicale n'a pas, à ce stade, appelé à de nouvelles journées de grève. Elle a toutefois prévenu que le mouvement social n'est pas achevé et que les revendications sur le rattrapage salarial sont toujours d'actualité. 

Après avoir sombré de près de 10% hier, l'action Air France KLM a d'abord repris un peu de terrain en séance, avant de repiquer du nez, sur une baisse de -0,4% à 7,266 euros.