* La part de marché n'est plus l'objectif principal-dir.commercial

* Voit la logique de produire 70 monocouloirs par mois (Actualisé avec détails, citations, contexte)

par Tim Hepher

TOULOUSE, 18 avril (Reuters) - Airbus engrange des commandes pour une nouvelle version de l'A321 dotée d'un plus grand rayon d'action, a déclaré à Reuters son directeur commercial.

Christian Scherer, dans sa première grande interview depuis sa nomination en septembre à la tête des ventes d'Airbus, a aussi estimé que Boeing sortirait rapidement de la crise du 737 MAX, interdit de vol après deux catastrophes aériennes, et a exclu qu'Airbus profite des déboires de son concurrent américain.

"Je n'encourage certainement pas un comportement quelconque pour tenter d'exploiter cette situation", a-t-il déclaré.

Airbus et Boeing se livrent une concurrence féroce pour la vente de monocouloirs tels que le MAX et l'A320 ou l'A321. Selon des sources, le constructeur européen craint un durcissement réglementaire à la suite des accidents du 737 MAX.

Airbus, a dit Christian Scherer, constate une demande croissante pour les appareils d'environ 200 places et capables d'effectuer des vols plus longs que les liaisons de moyenne distance pour lesquelles ils sont habituellement utilisés, ce qui brouille la frontière avec les modèles prévus pour transporter davantage de voyageurs.

"Nous vendons une version à plus grand rayon d'action de l'A321. Les gens nous disent 'c'est un super module, donnez plus de rayon d'action'. (Nous disons) 'nous allons vous donner le rayon d'action maximal que nous pouvons sur l'A321 : combien voulez-vous ?' C'est ce que nous faisons."

Ces propos constituent l'indication la plus claire jusqu'à présent qu'Airbus a discrètement lancé l'A321XLR, nouvelle version très attendue de l'A321 concurrençant le 737 MAX de Boeing.

"PLUS DE DOUTE SUR L'A330"

Selon des sources, Airbus a déjà des engagements de clients pour l’A321XLR, dont le développement coûte plusieurs centaines de millions de dollars.

Airbus et Boeing ont augmenté leur production pour suivre l'essor du transport aérien, mais Boeing a ramené sa production de 52 à 42 avions pour ce type d'appareil du fait de l'interdiction de vol du MAX.

Airbus prévoit de porter sa production de monocouloirs de 57 à 63 unités par mois à partir de 2020 mais a récemment gelé son projet de grimper jusqu'à 70 en raison des objections des motoristes incapables de suivre ce rythme.

En mettant de côté ces problèmes industriels, Christian Scherer pense que la demande pour les monocouloirs peut dépasser les 63 par mois. A la question de savoir si le marché pourrait en absorber 70, il a répondu : "Ce nombre a été évoqué par le passé et j'en perçois la logique."

Cette suggestion va probablement inquiéter les sociétés de crédit-bail et les motoristes, qui ont instamment demandé de la retenue aux constructeurs désireux de réduire le volume de leurs commandes en attente représentant sept années de production.

La situation est différente avec les gros porteurs, où, depuis deux ans, Airbus ne vend qu'un appareil quand Boeing en vend trois. Christian Scherer a évoqué les futures ventes de l’A330neo, un avion de 250 à 300 places qui a du mal à se démarquer du 787 de Boeing.

"Je parie que, dans un an, il n'y aura plus aucun doute sur l'A330", a-t-il assuré.

Christian Scherer, dont le père était à bord du tout premier vol d’essai d'Airbus en tant qu’ingénieur, est devenu directeur commercial en septembre après une carrière dans la vente, la stratégie, la défense et les turbopropulseurs.

En tant que responsable de la stratégie, il a été étroitement associé au lancement en 2010 de l'A320neo, qui a précipité la décision de Boeing d'abandonner un projet d'avion entièrement nouveau et de lancer le 737 MAX.

Le style de Christian Scherer tranche avec celui de son prédécesseur John Leahy et son obsession de la part de marché face à Boeing.

"Nous défendrons nos positions. Mais à l'avenir, la question ne sera plus de faire passer Airbus de 20% à 50% de part de marché", a-t-il dit.

"LA CONFIANCE DES CLIENTS"

La part de marché est un élément de mesure mais "ce n'est pas notre objectif commercial", a-t-il ajouté. "Ce n'est pas comme ça que je mesure si j'ai passé une bonne journée, c'est en me demandant 'est-ce que j'ai la confiance des clients, est-ce que je gagne de l'argent, est-ce que je maîtrise les coûts?'"

Les investisseurs sont attentifs à ce genre de discours car les batailles de parts de marché entre Airbus et Boeing ont eu tendance par le passé à gêner la quête de marges bénéficiaires plus élevées.

Christian Scherer fait face à Ihssane Mounir, directeur commercial de Boeing depuis l'année dernière, et des analystes disent qu'il subira une forte pression pour maintenir le rythme des commandes qu'il a su impulser.

Il doit également répondre aux propositions de Boeing en vue d'un nouvel avion de taille moyenne, entre l'A321neo et l'A330neo, bien qu'il insiste sur le fait que le projet de l'américain ne fonctionnera pas.

La manière dont ces batailles commerciales se déroulent pourrait affecter les choix et le calendrier de la prochaine génération de monocouloirs comme le MAX et l'A321neo à partir de 2030, qui commence à influer sur les stratégies.

Christian Scherer, qui conserve dans son bureau le modèle d'un avion appelé A30X, qui aurait vu le jour si Boeing avait opté pour un tout nouvel avion au lieu du MAX, se concentre sur le présent mais reconnaît qu'Airbus se projette au-delà de l'A320neo.

"J'aimerais que vous croyiez que nous avons plus que commencé à y penser", a-t-il dit. (Bertrand Boucey et Dominique Rodriguez pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Airbus SE, Boeing Company (The)