La rubrique nécrologie se préoccupe en général plus de personnes que d'objets. Mais la disparition programmée de l'A380 d'Airbus mérite une petite rétrospective sur le projet aérien le plus innovant depuis Concorde, dont il partage, d'une certaine façon le destin contrarié.
Le premier A380 d'Airbus a été livré en 2007 à Singapore Airlines. Le dernier le sera à Emirates en 2021. 14 ans de commercialisation, c'est évidemment peu pour un projet de cette ampleur. Airbus a annoncé ce matin la fin du programme, faute de nouveaux clients. Le plus gros utilisateur de l'appareil, Emirates, a dans le même temps réduit de 162 à 123 unités sa commande (-39 appareils), si bien qu'il ne restera que 14 A380 à livrer à la compagnie de Dubaï, qui s'est engagée en échange sur 70 A330 et A350. Airbus a pris des engagements sur la poursuite du suivi après-vente du très gros porteur, qui volera encore pendant plusieurs années après la fin de sa production.
Bilan
Le bilan actuel de l'A380 est de 274 commandes nettes (313 identifiées à fin janvier, moins les 39 du jour). 234 appareils avaient été livrés à la fin du mois dernier, si bien qu'il en reste 40 à assembler, si toutes les compagnies maintiennent leurs engagements. Compte tenu du rythme de livraison actuel (1 appareil par mois), il faudrait donc 40 mois pour assécher le carnet, ce qui interviendra approximativement en août 2022. Soit Airbus va accélérer la cadence pour achever le programme, soit d'autres désistements sont en vue.
Prix
Les A380 ne représentaient plus que 1% du carnet de commandes du groupe en unités au 31 décembre. Un A380 coûtait 445,6 millions de dollars aux prix catalogue en 2018, contre 251 millions de dollars au lancement de la commercialisation en 2001. Ces tarifs sont théoriques et ne sont jamais appliqués dans la réalité. Le prix réel fait partie du secret des affaires. Le coût réel du programme a très largement dépassé les projections initiales (8 milliards de dollars à l'époque). Si le bilan final reste à déterminer, il pourrait être entre 3 et 5 fois supérieur.
Les grandes dates
Fin des années 1990 : études sur un très gros porteur
Début des années 1990 : Airbus et Boeing examinent un projet commun, mais l'abandonnent
Milieu des années 1990 : Airbus pousse plus avant le projet A3XX de très gros porteur
Fin 2000 : la décision d'investissement est prise après avoir sondé les compagnies clientes potentielles
Avril 2005 : vol inaugural
Octobre 2007 : premier vol commercial
Un appareil qui volera encore un moment
Les investisseurs avaient déjà fait leur deuil du programme. Ils sont presque rassurés qu'Airbus y renonce, comme le montre la réaction du titre en bourse. Industriellement, l'aventure A380 est riche d'enseignements pour Airbus, qui doit déjà se projeter sur l'évolution de ses installations pour prévoir l'après-A380. "Airbus engagera des discussions avec ses partenaires sociaux dans les semaines à venir concernant les 3 000 à 3 500 postes susceptibles d’être affectés par cette décision dans les trois prochaines années", a prévenu la société, qui ajoute que les nouvelles commandes d'Emirates et la montée en cadence de l’A320 "offriront de nombreuses possibilités de mobilité interne".
Airbus SE est le n° 1 européen et le n° 2 mondial de l'industrie aéronautique, spatiale et de la défense. Le CA par famille de produits et services se répartit comme suit :
- avions commerciaux (71,8%). Le groupe est n° 1 mondial des avions de plus de 100 sièges ;
- systèmes de défense et aérospatiaux (17,4%) : avions militaires (notamment avions de transport, de surveillance maritime, de chasse anti-sous-marins et de ravitaillement en vol), équipements spatiaux (lanceurs orbitaux, satellites d'observation et de communication, appareils à turbopropulseurs, etc.), systèmes de défense et de sécurité (systèmes de missiles, systèmes électroniques et de télécommunications, etc.). Airbus SE propose également des services de formation et de maintenance des avions ;
- hélicoptères civils et militaires (10,8%).
La répartition géographique du CA est la suivante : Europe (39,3%), Asie-Pacifique (28,6%), Amérique du Nord (21,1%), Moyen Orient (6%), Amérique latine (2,7%) et autres (2,3%).