Cet accord va donner naissance au deuxième groupe mondial d'aéronautique et de défense par le chiffre d'affaires derrière Boeing. Il permettra à Raytheon de se développer dans l'aviation civile et à United Technologies, qui a annoncé en novembre sa scission en trois entités distinctes, de réduire sa dépendance à l'aérospatiale.

La division aéronautique d'UTC, qui est en train d'être séparée des activités de climatisation Carrier et des ascenseurs Otis, fournit des équipements électroniques et les moteurs Pratt & Whitney aux constructeurs d'avions civils tandis que Raytheon vend au gouvernement américain des équipements destinés aux avions militaires ainsi que des systèmes de missiles.

Donald Trump a déclaré que la fusion nuirait à la concurrence et compliquerait la tâche du gouvernement américain dans la négociation de contrats de défense.

"Je veux m'assurer que nous ne faisons pas de mal à la concurrence", a-t-il déclaré sur CNBC, en se disant "un peu inquiet".

Le titre United Tech reculait de 1,31% à 130,42 dollars vers 15h45 GMT à Wall Street tandis que l'action Raytheon gagnait 2,25% à 190,09 dollars.

Si United Technologies et Raytheon ont en commun quelques clients, les doublons dans leurs activités restent limités, un argument que les deux sociétés vont sans doute faire valoir auprès des autorités américaines de la concurrence.

Au-delà du Pentagone, la fusion pourrait ne pas être non plus du goût de Boeing et d'Airbus, les deux principaux constructeurs d'avions civils, dont la taille leur donne généralement un avantage dans les négociations avec les fournisseurs.

SYNERGIES D'UN MILLIARD DE DOLLARS

Dans le cadre de leur projet de rapprochement, les actionnaires de Raytheon recevront 2,3348 actions de la société fusionnée pour chaque titre Raytheon. La fusion devrait générer plus d'un milliard de dollars de synergies à l'issue de la quatrième année, ont précisé les deux sociétés.

Les actionnaires d'United Technologies détiendront environ 57% de la nouvelle entité qui sera baptisée Raytheon Technologies Corporation. Elle sera dirigée par le directeur général d'UTC, Greg Hayes.

Le solde du capital sera aux mains des actionnaires de Raytheon, dont le directeur général, Tom Kennedy, sera président du conseil.

L'opération a fait l'objet de plusieurs mois de négociations, selon une source. Elle a été élaborée de telle sorte qu'aucun actionnaire des deux sociétés ne perçoive une prime.

La capitalisation boursière d'United Technologies s'élève à 114 milliards de dollars, un chiffre qui devrait être ramené à moins de 60 milliards avec la cession de Carrier et d'Otis, ce qui la rapprocherait des 52 milliards de capitalisation boursière de Raytheon.

La transaction devrait être finalisée au premier semestre 2020.

La société nouvellement créée devrait générer un retour compris entre 18 et 20 milliards de dollars pour les actionnaires au cours des trois premières années suivant la finalisation de l'opération, ont poursuivi les deux groupes. Cette société aura une dette nette d'environ 26 milliards de dollars.

HAUSSE DES DÉPENSES DE DÉFENSE

Raytheon, fabricant des missiles Tomahawk et Patriot, devrait bénéficier de la forte demande mondiale pour les avions de combat et les munitions, ainsi que de la hausse des budgets militaires décidée par Donald Trump sur l'exercice 2020.

Les dépenses du Pentagone devraient cependant ralentir par la suite. Un accord avec United Technologies lui permet donc de se diversifier dans le civil et d'être ainsi moins subordonné aux aléas de la commande publique.

United Technologies, de son côté, va réduire son exposition à l'aéronautique civile, qui pourrait pâtir des tensions commerciales internationales et de la montée du protectionnisme.

L'Association internationale du transport aérien (IATA), qui représente 290 compagnies aériennes assurant environ 80% du trafic mondial, a déclaré ce mois-ci s'attendre à ce que le secteur dégage en 2019 un bénéfice de 28 milliards de dollars (25 milliards d'euros), contre une prévision initiale de 35,5 milliards de dollars en décembre.

L'accord avec Raytheon pourrait mettre sous pression General Electric, qui est en concurrence avec United Technologies dans l'aéronautique civile. Il pourrait également pousser d'autres entreprises de défense, comme Lockheed Martin Corp, à chercher à développer leurs activités civiles.

En Europe, Thales et Safran figurent parmi les principaux concurrents de United Tech et Raytheon.

(Greg Roumeliotis et Harry Brumpton à New York, avec Mike Stone, Rama Venkat, Makini Brice et Doina Chiacu; Jean-Michel Bélot, Claude Chendjou et Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten et Bertrand Boucey)

par Harry Brumpton et Kate Duguid