Moscou (awp/afp) - Le retour de la Russie sur le marché international de la dette, pour la première fois depuis l'introduction de sanctions occidentales en 2014, s'est soldé mardi par un résultat en demi-teinte, attirant une forte demande mais pas les investisseurs internationaux.

Si Moscou a bien démontré sa capacité à emprunter sur le marché au moment où ses finances sont étranglées par les sanctions mais aussi l'effondrement des prix du pétrole, cette émission obligataire en dollars a aussi confirmé la défiance des firmes occidentales, mises en garde par les Etats-Unis.

A la mi-journée mardi, à quelques heures de la clôture attendue, la demande pour cette opération test atteignait 6,3 milliards de dollars, ont rapporté les agences russes en citant des sources bancaires.

Le ministère russe des Finances, en annonçant lundi la tenue de cette émission de dette publique, n'avait pas précisé le montant espéré mais ce résultat encore non définitif dépasse de toute façon l'objectif. La loi de budget prévoit, pour ce type d'emprunts, un maximum de trois milliards de dollars sur l'ensemble de l'année 2016.

Selon le quotidien financier Vedomosti, qui cite deux sources proches de l'opération, la prise en compte des offres était prévue pour être close dès lundi mais a finalement été prolongée mardi pour couvrir la séance boursière en Asie dans l'espoir d'y attirer de nouveaux investisseurs car "presque tous" les participants sont russes.

Selon les sources bancaires cités dans les médias russes, le ministère des Finances proposait des titres en dollars sur dix ans avec un rendement espéré entre 4,65% et 4,9%. L'embellie récente des cours du pétrole et donc des marchés russes suggéraient un contexte favorable.

"La demande semble venir surtout de sources locales et non d'investisseurs étrangers", a observé Natalia Orlova, économiste de la banque Alfa. Selon elle, cette émission obligataire visait à "tester le marché" après une longue pause.

La dernière opération de ce type remonte à septembre 2013, pour près de sept milliards de dollars.

Les autorités russes étaient revenues en 2010 sur le marché international de la dette pour la première fois depuis le défaut de 1998. Mais elles avaient cessé toute opération de ce type après l'introduction des sanctions par les Occidentaux sur fond de crise ukrainienne, à partir de l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014.

Depuis, le gouvernement russe se finance par des opérations hebdomadaires sur le marché russe.

- 'Message' au marché -

En raison des sanctions, Washington avait prévenu les firmes américaines des risques liées à l'opération et finalement aucune banque occidentale sollicitée n'a participé à sa mise en place, la banque russe VTB Capital étant la seule organisatrice.

Pour rassurer, Moscou a assuré dans les documents fournis aux investisseurs, et cités par la presse russe, que les fonds serviraient à des opérations en devises comme le remboursement de la dette extérieure ou viendraient garnir les réserves de la banque centrale.

Autrement dit, elles ne viendront pas, via le budget, financer des structures sous régime de sanctions. Pourtant, les comptes de l'Etat sont soumis à rude épreuve et les besoins sont élevés. La Russie est affectée par l'effondrement des prix du pétrole qui constitue une grande partie de ses revenus budgétaires, et traverse sa deuxième année de récession de suite.

La dette du pays a été reléguée en catégorie "spéculative" par deux des trois agences internationales de notation, Standard & Poor's et Moody's.

Pour Oleg Kouzmine, économiste de la banque Renaissance Capital, l'opération visait surtout à "envoyer à tout type d'investisseurs étrangers le message que les entités russes sont capables d'emprunter hors du pays si elles ne sont pas sanctionnées directement".

L'objectif, a ajouté cet expert, était aussi de "rouvrir une source potentielle d'emprunt public à court terme" même si, vu l'ampleur des difficultés, "quelques milliards de dollars ne changent pas grand chose".

Le gouvernement a engagé des mesures de réduction de ses dépenses et prévoit d'importantes ventes de parts de capital d'entreprises publiques, comme les pétroliers Rosneft et Bachneft ou le producteur de diamants Alrosa.

Le Premier ministre Dmitri Medvedev a répété qu'aucune nouvelle hausse des retraites n'était prévue pour l'instant malgré la hausse des prix: "Il n'y a tout simplement pas d'argent".

afp/rp