Alphavalue - La semaine dernière Alcatel-Lucent annonçait le lancement de son nouveau « Shift Plan » qui vise à recentrer l’entreprise sur les activités de réseaux IP et l’accès très haut-débit. Le plan doit permettre d’accroître de plus de 15% le chiffre d’affaires réalisé par le segment d’activité « Cœur de réseaux », (de 6,1Mds€ à plus de 7Mds€ en 2015), tout en faisant passer la marge opérationnelle de 2,4% aujourd’hui à 12,5% en 2015.

Le plan prévoit également une réduction des coûts fixes de 1Md€, une vente d’actifs devant générer environ 1Md€ de recettes et un rééchelonnement de la dette sur la période 2013-2015 combiné à une réduction de son montant global d’environ 2Mds€ (très probablement grâce à une augmentation de capital qui devrait avoir lieu dans les 2 années à venir). Des objectifs ambitieux et bien pensés pour un groupe dont les erreurs stratégiques et les changements de direction ont poussé la capitalisation à un bien modeste 3,1Mds€.

L’objectif est de repositionner le groupe d’un statut de généraliste des équipements télécoms à celui de spécialiste des réseaux IP et de l’Accès Très Haut-Débit (85% des dépenses de R&D en 2015), c'est-à-dire l’essentiel des réseaux ultras performants de nouvelle génération. La nouvelle stratégie prévoit de transformer certaines activités régionales clés sur le sans-fil et le fixe ainsi que dans d’autres domaines, en vache à lait pour financer les investissements dans les technologies « LTE » , le « Vectoring » et le « FTTx ».

La trésorerie du groupe est à sec et ce dernier ne génère pas de cash. Il ne peut donc pas adopter une stratégie agressive d’acquisitions de petites structures à l’image de son concurrent Cisco qui est en train d’acquérir de petits spécialistes des réseaux 4G LTE afin de prendre une longueur d’avance sur ses rivaux.

Sur le papier le plan semble opérationnellement cohérent et financièrement bien ficelé, enfin le nouveaux DG possède l’expérience suffisante pour le mener à bien (ancien DG de Vodafone Europe et ancien CFO de France Telecom). Cependant le précédent DG affichait lui aussi un parcours impressionnant jusque-là…

Une telle annonce aurait pu entrainer une correction violente du cours selon l’adage qui veut que l’on vende la nouvelle. Le cours a cependant progressé de plus de 5% au cours des jours qui ont suivi malgré la progression déjà importante suite aux rumeurs sur l’annonce d’un plan. Le cours a franchi une résistance psychologique importante à 1,35€ au mois de juin. Mais que ce passe t’il donc ?

Peut-on réellement croire dans un renouveau d’Alcatel? Plusieurs éléments permettent de soutenir cette hypothèse :

-En décembre, Alcatel-Lucent a obtenu un prêt (2Mds€) d’un consortium de banque avec comme chefs de file Golman Sachs et Crédits Suisse (hypothéquant 20.000 brevets, valorisés à 5Mds€ en contrepartie). Cet arrangement permet à Alcatel de gagner du temps pour se restructurer avant une reprise de la demande attendu en 2013-2014.

-Au T1, la zone Amérique du Nord a pris une importance historique (45% du chiffre d’affaires contre 37% en moyenne en 2012) grâce à une croissance des ventes de 15% (l’Europe en baisse de 10%). Les États-Unis ont poussé les Chinois vers la sortie ce qui profite à Lucent et ses pairs. Huawei affirme maintenant préférer fournir les marchés européens et asiatiques, des régions où les gouvernements n’ont pas jugé que l’entreprise représente une menace pour la sécurité nationale. Le chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis offre une base solide pour améliorer les marges. En outre, le risque de cessation de paiements a été repoussé. Le redressement risque d’être long et semé d’embuche mais on commence enfin à entrevoir une lumière au bout du tunnel.

Le cours d’Alcatel reflète l’historique des restructurations successives douloureuses et des opportunités manquées. Le cours actuel valorise le groupe à 3,1Mds€ (mais une VE de 8Mds€ en raison des provisions pour pensions) tandis que Cisco avec un chiffre d’affaires 2,5x supérieur vaut 12x plus. Ericsson qui réalise un chiffre d’affaires 2x supérieur vaut 3x plus qu’Alcatel, une prime méritée puisque que sa marge d’EBIT est au moins deux fois plus élevée et sa trésorerie nette positive lui permettrait d’acquérir Alcatel-Lucent. Alcatel est une option sur le redressement avec un potentiel de hausse de plus de 50% dans la mesure où l’entreprise pourrait commencer à regénérer des liquidités. Pas acquis d'avance mais un pari à prendre.