* Lagarde inquiète pour l'économie mondiale

* Tout doit être utilisé contre la stagnation-Yellen

* Noyer (BDF) évoque des achats d'obligations d'Etat en cas d'urgence

* Les divergences de politique monétaire créeront des turbulences

PARIS, 7 novembre (Reuters) - Le Fonds monétaire international et les Etats-Unis ont encouragé vendredi la Banque centrale européenne et la Banque du Japon à persévérer sur la voie de politiques monétaires de soutien à la croissance tout en demandant aux dirigeants politiques d'agir eux aussi dans le même sens.

La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, pour qui l'économie mondiale est "fragile, friable et fragmentée", a estimé "parfaitement légitime et approprié" que les deux institutions recourent à des instruments non conventionnels pour lutter contre la stagnation économique et la faible inflation.

Pour la présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, les banques centrales "doivent être prêtes à utiliser tous les outils disponibles, y compris des politiques non conventionnelles, à l'appui de la croissance économique et pour atteindre leurs objectifs d'inflation", surtout quand leurs gouvernements n'utilisent plus l'arme budgétaire.

Les deux responsables s'exprimaient lors d'une conférence organisée par la Banque de France à Paris, après que la BCE, qui a baissé à deux reprises ses taux cette année, a demandé jeudi à ses équipes de travailler sur de nouvelles mesures "non conventionnelles" qui pourraient être lancées si l'inflation ne repartait pas dans la zone euro.

Christine Lagarde a déclaré que les pays disposant de finances publiques saines devaient faire davantage pour soutenir la croissance, jugeant au passage insuffisants les 10 milliards d'euros d'investissements publics annoncés la veille par l'Allemagne.

"Dans cette partie du monde, il faut répéter encore et encore que la politique monétaire, ce n'est pas tout et qu'il faut une combinaison de politiques budgétaires saines et d'utilisation d'un espace budgétaire pour les pays qui en disposent afin de soutenir la croissance", a-t-elle dit.

"Clairement, ce qui a été fait hier est très loin de ce qui est nécessaire".

"CIRCONSTANCES EXTRÊMES"

Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a indiqué que la BCE devait se tenir prête en cas d'urgence à acheter des titres de dette souveraine pour combattre une inflation trop basse.

Le recours à une politique d'"assouplissement quantitatif", analogue à celle que la Réserve fédérale américaine a menée ces dernières années, est devenue une réelle possibilité depuis les annonces faites jeudi par la BCE.

Christian Noyer, qui siège au conseil des gouverneurs de la BCE, a estimé que, dans des "circonstances extrêmes, une banque centrale doit atténuer les effets des chocs de confiance sur les rendements souverains en achetant des obligations d'Etat".

Une telle action pourrait se justifier en cas de risques sur la stabilité macroéconomique ou financière, si l'accès au marché était menacé ou pour éviter les conséquences déflationnistes d'une crise liée à la dette publique, a-t-il dit.

Mais à l'heure où la Fed a amorcé un retour à la normale de sa politique monétaire, les orientations opposées prises par les deux banques centrales pourraient créer des turbulences sur les marchés, ont averti des intervenants de la conférence.

Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, a parlé d'une transition probablement "heurtée" entre une période où les marchés ont été inondés de liquidités à bon compte de la part des banques centrales et le retour à un environnement monétaire plus normal.

"Nous avons, à quelques exceptions près, une faible volatilité, un environnement de primes de risques comprimées (...). Cela va commencer à changer", a-t-il dit.

"Mais cette réalité, ou cette probabilité, ne doit pas avoir de conséquence sur le calendrier du début de la normalisation", a ajouté Mark Carney.

EURO ET YEN EN BAISSE

Mohamed El-Erian, conseiller de l'assureur allemand Allianz et ancien co-responsable du géant de la gestion d'actifs Pimco, a averti les banques centrales de ne pas sous-estimer le risque de turbulences sur les marchés des changes au moment où leurs politiques monétaires divergent.

"Si, sur le papier, des mouvements sur les devises peuvent contribuer à un rééquilibrage global, je voudrais mettre en garde, d'un point de vue du marché, de la nécessité de ne pas sous-estimer (...) la rapidité et l'ampleur des mouvements sur les marchés des changes", a-t-il dit.

L'euro est tombé à un plus bas depuis 2012, sous 1,24 dollar, après que le président de la BCE, Mario Draghi, a fait état d'une unanimité au sein du conseil des gouverneurs de la banque pour envisager de nouvelles mesures non conventionnelles si l'inflation ne se redresse pas.

Il a indiqué dans le même temps que la BCE était bien prête à augmenter son bilan pour atteindre le niveau de mars 2012, soit une hausse de 1.000 milliards d'euros, avec les mesures annoncées récemment. (Extraits:

Celles-ci combinent une nouvelle enveloppe de financements bon marché pour les banques, afin de les inciter à prêter aux acteurs économiques, et des programmes de rachat d'obligations sécurisées ou adossées à des actifs (ABS).

L'euro a perdu 11% de sa valeur cette année face au dollar, sans que cela alarme particulièrement ses partenaires, plus inquiets des risques de déflation dans la zone euro.

Le yen est tombé pour sa part à des plus bas de près de sept ans face au billet vert après que la Banque du Japon a annoncé une accentuation de sa politique de rachats d'actifs pour tenter de mettre un terme à une décennie de déflation et de stagnation. (Yann Le Guernigou et Jean-Baptiste Vey, avec Leigh Thomas, David Milliken et Paul Taylor, édité par Matthias Blamont)