"Mieux vaut être seul que mal accompagné". Telle pourrait être la morale de l'échec du rapprochement entre Alstom et Siemens Mobility. Largement anticipée malgré les ruades politiques allemandes et françaises, l'annonce officielle du veto de la Commission européenne a dopé l'action Alstom de 4% hier. Une réaction très positive donc, malgré les promesses du mariage, les heures perdues à monter le rapprochement, les sommes engagées pour préparer le terrain, l'énergie dépensée par les deux managements… La liste est longue.

Jamais mieux servi que par soi-même

L'explication de la hausse est relativement simple : en solo, le dossier séduit. Simon Toennessen, qui dirige la recherche sur les biens d'équipement chez Berenberg, avait choisi de rester à l'écart d'Alstom pendant la période récente. Jusqu'à hier, lorsqu'il a relevé sa recommandation à l'achat et son objectif de cours de 28 à 42 EUR. "Le marché a commis l'erreur de se focaliser uniquement sur le projet de fusion sans considérer à sa juste valeur le potentiel de doublement des résultats d'ici 2025", explique-t-il. La société opère sur un marché en croissance structurelle, avec un carnet de commandes record et améliore ses marges en montant en gamme. Que demander de plus ? Une valorisation faible éventuellement, mais c'est déjà le cas : 26% de décote sur la moyenne du secteur alors que ses fondamentaux sont meilleurs et que sa croissance organique est à peu près deux fois plus élevée que celle de ses pairs. 

Bombardier, le retour
 
Au-delà de ces considérations intrinsèques à l'entreprise, le thème de la consolidation sectorielle risque encore de dominer l'actualité. C'était d'ailleurs le cas dès hier, puisque le nom de Bombardier est ressorti du chapeau. Le Canadien était un peu le dindon de la farce quand Alstom et Siemens Mobility ont annoncé leur rapprochement, puisque l'Allemand avait commencé par discuter fusion avec Bombardier en 2017. Ceci dit, Bombardier avait aussi des vues sur le capital d'Alstom à cette époque, tandis que Siemens avait déjà essayé de mettre la main sur le français trois ans plus tôt lors de la cession des actifs énergétiques. Bref, tout ce petit monde se connaît très bien et chacune des entreprises a déjà une ébauche de contrat de mariage avec les autres dans ses archives.

Mariage de raison
 
Simon Toennessen, qui apprécie donc Alstom en célibataire, pense malgré tout qu'un rapprochement avec Bombardier aurait du sens. Davantage, en tout cas, que le projet monté avec Siemens. Les soucis antitrust seraient moindres, d'une part parce que le Canadien est peu présent dans les trains à grande vitesse en Europe et d'autre part parce que sa division signalisation est moins développée que celle de Siemens sur le vieux continent. Dans le cadre d'une fusion entre égaux, les calculs de Berenberg montrent qu'Alstom aurait à verser environ 1 milliard d'euros en numéraire à Bombardier pour équilibrer la transaction. Dans un tel scénario, la banque allemande valorise le Français 46 EUR par action. Le tableau ci-dessous résume les grands ratios financiers et la valorisation des deux dossiers sur la base des chiffres projetés en 2020.
 

La valeur de chaque entreprise en fonction des performances attendues en 2020 (Source Berenberg)

Ce matin, le titre Alstom se stabilise à 37,58 EUR après avoir gagné 4,06% la veille. Bombardier a terminé sur un gain de 6,22% à 2,05 CAD à Toronto, avec le retour de la rumeur de consolidation.