(Actualisé avec précision sur une prime annoncée par EDF §21 et sur la prime d'activité §26 à §28)

PARIS, 17 décembre (Reuters) - Le gouvernement présentera mercredi en conseil des ministres un projet de loi pour financer en 2019 les mesures d'un montant global d'environ 10 milliards d'euros annoncées par l'exécutif pour tenter de désamorcer la colère des "Gilets jaunes".

Ce projet de quelques articles sera examiné en commission à l'Assemblée, où il sera soumis aux députés le jeudi 20 décembre en séance avant d'être envoyé au Sénat vendredi, l'objectif étant un vote définitif qui pourrait intervenir dans la nuit de vendredi à samedi, a-t-on indiqué de sources parlementaires.

Tous les arbitrages ne sont pas encore connus mais le gouvernement a tranché : les mesures seront financées à 60% par le déficit et à 40% par de nouvelles ressources et économies.

Voici les mesures annoncées et ce que l'on sait de leur financement :

* ABANDON DE LA HAUSSE DE LA TAXE CARBONE

Principale revendication des manifestants, l'abandon de la hausse de la taxe carbone, prévue initialement pour le 1er janvier, a été acté par l'exécutif la semaine dernière. Les taxes sur l'essence devaient augmenter de 2,9 centimes par litre au 1er janvier, celles sur le diesel de 6,5 centimes.

La convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l'essence et, pour les professionnels, l'alignement sur la fiscalité des particuliers de la fiscalité du gazole des entrepreneurs non routiers (GNR) sont supprimés pour 2019.

* GEL DES TARIFS DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Ces tarifs, qui devaient augmenter en début d'année, n'augmenteront pas jusqu'à l'été prochain et le gouvernement a demandé à Engie de procéder d'ici à la fin du mois à une opération de couverture portant sur les volumes de ventes de gaz aux tarifs réglementés des mois de février à juin 2019 pour garantir qu'ils n'augmentent pas.

* LE NOUVEAU CONTRÔLE TECHNIQUE SUSPENDU

Le gouvernement a annoncé la suspension de la mesure pour six mois afin de trouver "les justes adaptations". Le nouveau dispositif, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier, est jugé trop compliqué et coûteux.

* PRIME À LA CONVERSION AUTOMOBILE

L'exécutif se fixe désormais pour objectif l'octroi d'un million de primes à la conversion "classiques" d'ici la fin du quinquennat contre les 500.000 prévues. Pour l'heure, 280.000 personnes en ont bénéficié.

Cette prime est versée lors de la mise à la casse d'un ancien véhicule diesel ou essence et de l'achat ou de la location d'un véhicule peu polluant. Lancée par le précédent gouvernement, puis étendue au 1er janvier 2018 aux véhicules d'occasion, cette prime prévoit le versement de 1.000 à 2.500 euros.

* EXTENSION DU CHÈQUE ENERGIE

Le "chèque énergie", dont le montant doit être réévalué de 50 euros en 2019 à 200 euros, va être étendu à 5,6 millions de personnes contre 3,6 millions aujourd'hui. Ce dispositif aide les foyers modestes à payer leurs factures.

*UNE PRIME DÉFISCALISÉE

Le gouvernement a invité les entreprises à verser une prime exceptionnelle pour les salariés touchant moins de 3.600 euros nets par mois. Elle sera entièrement défiscalisée et désocialisée jusqu'à hauteur de 1.000 euros.

Plusieurs grands groupes ont déjà annoncé vouloir la verser comme Total, Iliad, Altice, Orange , Publicis, Essilor et Michelin . Les modalités varient d'une entreprise à l'autre. La SNCF et la RATP ont aussi emboîté le pas lundi: le bonus sera de 400 euros pour les salariés qui touchent jusqu'à 1,5 fois le smic et de 200 euros pour ceux qui touchent entre 1,5 et deux fois le smic. Cette prime concernera près de 100.000 salariés au sein du groupe ferroviaire pour une dépense totale de 30 millions d'euros, selon le président du directoire de la SNCF, Guillaume Pepy.

Engie a annoncé lundi qu'il verserait une prime exceptionnelle d'un montant de 600 euros pour 41.000 de ses salariés en France. Pour EDF, cette prime sera de 800 euros pour tous les salariés dont la rémunération globale brute est inférieure à 30.000 euros par an et de 500 euros pour ceux dont la rémunération brute se situe entre 30.000 et 40.000 euros par an.

Les entreprises peuvent verser cette prime jusqu'au 31 mars. Les fonctionnaires ne sont pas concernés.

*HEURES SUPPLÉMENTAIRES DÉFISCALISÉES

Les heures supplémentaires seront nettes de charges et d'impôts dès le 1er janvier 2019 et non le 1er septembre 2019 comme initialement prévu. Dans une interview aux Echos, le Premier ministre, Edouard Philippe, évoque un gain annuel de 400 euros par an en moyenne par personne.

* AUGMENTATION DE LA PRIME D'ACTIVITÉ

Dès le 5 février, la prime d'activité sera élargie à 5 millions de foyers fiscaux, plutôt que 3,8 millions aujourd'hui, a dit Edouard Philippe aux Echos. Elle sera bonifiée pour permettre aux salariés qui la touchaient déjà de bénéficier d'un revenu additionnel de 100 euros net (revalorisation du smic comprise) et sera dégressive pour les autres passé un certain seuil de rémunération.

Ainsi, un célibataire sans enfant touchera le "bonus" maximum de 100 euros si ses revenus ne dépassent pas 1.550 euros net, et un bonus allant de 15 à 100 euros si ses revenus se trouvent entre 1.550 et 1.806 euros.

Un parent célibataire avec un enfant touchera l'augmentation maximale si ses revenus sont inférieurs à 2.000 euros et un bonus de 15 à 100 euros si ses revenus se trouvent entre 2.000 et 2.280 euros net.

Cette prime inclut les indépendants et les fonctionnaires dont les rémunérations sont proches du smic.

* ANNULATION DE LA HAUSSE DE LA CSG POUR CERTAINS RETRAITÉS

Contrairement à ce qu'avait annoncé Emmanuel Macron, les retraités touchant moins de 2.000 euros de pension par mois (ou 3.000 euros pour un couple) devront attendre juillet prochain pour bénéficier de la suppression de la hausse de la CSG, initialement annoncée pour début 2019.

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a expliqué lundi sur RTL que les retraités paieraient la CSG "au plus tard jusqu'au 1er juillet et ensuite ils seront remboursés" des sommes versées depuis le 1er janvier 2019. "Il y aura un très gros chèque ou un virement au plus tard au 1er juillet".

"La CSG est un impôt, on n'a pas les revenus de 2018, qui n'ont pas été déclarés, donc on ne peut pas la calculer", a-t-elle justifié.

* FINANCEMENT

- Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé dans une interview aux Echos publiée dimanche que le gouvernement entendait limiter le déficit public à 3,2% du PIB en 2019.

L'objectif avait été fixé à 2,8% avant la crise des Gilets jaunes, y compris la dégradation de 0,9 point de PIB liée à la transformation du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) en baisse de charges pérenne, et le déficit aurait atteint 3,4% sans mesures correctrices qu'il a évaluées à 4 milliards d'euros.

- Les grandes entreprises seront mises à contribution pour 1,8 milliard d'euros grâce au report d'un an de la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés de 33% à 31% pour les entreprises ayant plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Environ 200 millions viendront d'une révision de la 'niche Copé' sur les opérations intra-groupe des entreprises.

- Des économies d'1 à 1,5 milliard d'euros seront faites en 2019.

- La taxe sur les grandes entreprises du numérique (GAFA) promise par Bruno Le Maire devrait permettre de générer 500 millions d'euros de recettes dès 2019. (Caroline Pailliez, avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : Altice Europe, ENGIE, Iliad, Michelin, Orange, Publicis Groupe, Total