Vivendi va prendre 15% du capital de la Fnac, à la faveur d'une augmentation de capital réservée de 159 millions d'euros, une opération doublée d'un partenariat stratégique entre les deux groupes.

Si plusieurs analystes s'interrogent sur la justification stratégique de cette opération pour Vivendi, certains estiment qu'elle devrait, en tout cas, permettre à la Fnac de boucler sa contre-offre sur Darty, alors que le calendrier s'accélère.

"Avec l’augmentation de capital réservée à Vivendi, tous les éléments sont réunis pour que la Fnac puisse faire sa surenchère", commente Steve Lévy, analyste de Natixis.

Car la Fnac, qui est parvenue à se redresser et à se désendetter, dispose de moyens financiers sans comparaison avec ceux du groupe sud-africain qui se propose de racheter Darty tout en cash pour 863,65 millions d'euros.

Steinhoff pèse quelque 20,0 milliards d'euros en Bourse alors que la capitalisation de la Fnac ressort à 1,01 milliard et que l'enseigne poursuit une stratégie de strict contrôle de sa trésorerie et de sa dette dans des marchés qui restent difficiles.

"En levant 160 millions d'euros, la Fnac peut boucler un tour de table avec des financements bancaires", estime un analyste.

Pour Natixis, Avec un endettement d'environ 650 à 750 millions d'euros, elle porterait son ratio de dette nette sur Ebitda à environ 3,5 fois, "ce qui n'est pas irréaliste".

VISÉES DE VIVENDI

Alors que l'offre de Conforama a reçu le soutien du conseil d'administration de Darty et de son premier actionnaire, le gérant d'actifs Schroder Investment Management, la Fnac a une nouvelle fois demandé aux actionnaires de Darty de ne prendre "aucune décision" concernant leurs actions à court terme.

Les actionnaires de Darty ont jusqu'au 2 mai pour apporter leurs titres à l'offre de Steinhoff.

Certains s'interrogent toutefois sur les visées de Vivendi.

"La logique du deal est peu claire. La Fnac est peu présente sur les supports dématérialisés (téléchargements, streaming) et les synergies entre les contenus et la distribution de musique restent encore à prouver", soulignent ceux de Kepler Cheuvreux.

Leberum Capital évoque une logique "assez vieille école" tandis que pour CM-CIC cette opération "risque de réduire la lisibilité de la stratégie de Vivendi (...) qui multiplie les prises de participations (télécoms, jeux vidéos et maintenant distribution).

Cette opération intervient alors que Vivendi vient de racheter l'activité de télévision payant de Mediaset, qu'il a repris une part minoritaire chez Telecom Italia et cherche à racheter les spécialistes des jeux vidéo Ubisoft et Gameloft.

La Fnac et Vivendi évoquent pour leur part une future coopération dans la distribution de contenus culturels et dans la billetterie (Vivendi est propriétaire de Digitick), des offres de services à une base de clients élargie (entre les adhérents de la Fnac et les abonnés de Canal+) et une accélération du développement international de la Fnac, notamment en Afrique où Vincent Bolloré, président de Vivendi, est très présent.

A l'automne dernier, afin de mieux affronter la concurrence des spécialistes du e-commerce, Amazon en tête, Fnac avait proposé de racheter Darty pour 859 millions d'euros, pour l'essentiel par échange d'actions.

Mais ses ambitions se heurtent désormais à celles de Steinhoff.

(Edité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis