"Après le lancement d'Apple Pay mi-2016 en France, les banques tricolores ont annoncé le déploiement de leur solution de paiement mobile Paylib dans les magasins d'ici la fin du premier trimestre 2017. Le téléphone est-il en passe de remplacer la carte bancaire ?
L'adoption de nouveaux moyens de paiement est toujours extrêmement longue et n'entraîne pas forcément la disparition des moyens préexistants. En France, 45% des achats en magasin se font encore en espèces. Cependant le paiement sans contact (par carte bancaire) a décollé en 2016. Pour le paiement mobile il faudra certainement attendre plusieurs années avant d'observer un véritable décollage. Je rappelle que 40% des commerçants sont équipés de terminaux NFC utilisés pour ce type de paiement. Au-delà de ces questions d'équipement et d'infrastructure, il semble évident que le téléphone va s'imposer en tant qu'interface de paiement. On constate déjà une très forte croissance des achats en ligne à partir d’un mobile, l’émergence des virements de compte à compte (P2P), auxquels s'ajouteront demain de nouveaux usages comme le paiement instantané et le paiement en magasin. A terme le téléphone pourrait donc bien remplacer la carte bancaire.

Dans une étude publiée début janvier, vous estimez le marché des paiements en Europe à 38 milliards d'euros (55 milliards en 2020).
 De nouveaux acteurs comme Apple peuvent-ils bousculer les banques dans ce domaine ?
Apple Pay est la première tentative réussie de dématérialisation de la carte bancaire dans un téléphone. Le groupe a ouvert la voie, sa technologie a été reprise par tous. Mais Apple souffre de plusieurs handicaps sur ce marché à commencer par la part minoritaire de l'iPhone dans le parc de smartphones. En outre l'utilisateur d'Apple Pay doit d’abord inscrire sa carte dans cette solution alors que les porte-monnaie électroniques de type Paylib gardent ces informations dans l'écosystème de la banque. Ilsuffit d'activer l'option paiement mobile dans l’application proposée par sa banque. Les applications bancaires ont donc un avantage en termes de sécurité et de facilité d'utilisation. Mais pour faire adopter leurs "wallets" (porte-monnaie électronique, ndlr) toutes les solutions doivent y intégrer d’avantage de cas d’usages et de nouveaux services comme le paiement de compte à compte, la dématérialisation des tickets de caisse et des cartes de fidélité, etc.

Commet les banques garantissent-elles la sécurité des paiements mobiles ?
Il y a des plafonds comme pour les paiements sans contact. Pour l'heure le plafond de 300 euros par transaction est envisagé. Il sera probablement relevé au fil du temps. Par ailleurs, au-delà de 20 euros d'achats il ne suffira pas d'approcher son téléphone du terminal. Il faudra une authentification forte qui peut être un code ou une identification par biométrie digitale. Il faut trouver le bon équilibre entre sécurité et facilité d'usage.

La BCE vient d'annoncer le lancement d'ici fin 2017 d'un service de paiement de personne à personne (P2P) en Europe en utilisant le numéro de téléphone mobile du bénéficiaire comme équivalent de l’Iban. Elle travaille également avec les banques sur le paiement instantané. Que vont apporter ces innovations ?
Le paiement de personne à personne est déjà disponible via un certain nombre d'applications bancaires et non bancaires. Son appropriation par les banques renforcée par l’impulsion de la BCE est une bonne nouvelle pour les usagers qui vont également bénéficier à partir de 2018 du paiement instantané. A partir du moment où une transaction sera acceptée par un établissement (virement, paiement) il est prévu qu’elle sera effectuée dans un délai 10 secondes avant qu'elle soit enregistrée sur le compte du bénéficiaire. C'est une véritable révolution par rapport au système actuel où un virement met en général un jour ouvré à être crédité. Pour y parvenir les banques doivent revoir tous leurs modes de fonctionnement et process mais aussi leurs business models. Avec le paiement instantané les revenus de l'inter-change vont en effet disparaître. Ils seront certainement remplacés par d'autres modèles de tarification car les établissements ne peuvent pas se permettre d'offrir ces nouveaux services gratuitement, d’autant plus qu'ils auront nécessité de lourds investissements."