Ulm D (awp/ats) - Après un long bras de fer juridique, le procès opposant le milliardaire allemand Erwin Müller à J. Safra Sarasin s'est ouvert lundi devant le tribunal d'Ulm, en Allemagne. Le propriétaire de la chaîne de drogueries Müller réclame 45 mio EUR (47,6 mio CHF) à la banque privée bâloise.

Agé de 84 ans, M. Müller, dont la chaîne de drogueries est établie à Ulm, dans le Bade-Wurtemberg, a déposé sa plainte à titre personnel. Ex-client du gestionnaire de fortune bâlois, il lui reproche de lui avoir fourni de mauvais conseils d'investissements, notamment des produits permettant d'optimiser fiscalement ses avoirs via un fonds domicilié au Luxembourg.

Des affirmations que la banque bâloise, contactée par l'ats, continue de contester tout en ne souhaitant pas s'exprimer plus en avant concernant cette affaire. En 2015, la Cour d'appel de Stuttgart avait confirmé que celle-ci relevait de la compétence d'Ulm, et non du for juridique de l'établissement, à Bâle.

Très attendu, le milliardaire ne s'est pas présenté devant la cour, se contentant de se laisser représenter par son avocat. La présidente du Tribunal d'Ulm, Julia Böllert a regretté ne pas pouvoir se faire sa propre opinion sur le plaignant.

Son avocat a rétorqué que la plainte écrite était suffisamment fondée, jugeant dès lors la présence de son mandant superflue. Quant au défenseur de J. Safra Sarasin, Markus Meier, celui-ci a écarté les reproches du plaignant, lequel a évoqué un "fonds parasite".

Me Meier a relevé que Erwin Müller a été dûment informé par un conseiller de la banque sur les possibilités de placements fiscalement optimisés ainsi que sur les risques que comportent ces derniers. L'avocat de J. Safra Sarasin a aussi regretté que le plaignant ne puisse être personnellement interrogé.

Appelés "Cum/Ex", les fonds d'optimisation fiscale mettent en oeuvre des opérations complexes permettant de demander deux fois le remboursement d'impôts anticipés qui n'ont en fait été versés qu'une seule fois. Le ministère allemand des finances a cessé ces types de remboursements en 2012, signifiant aussi l'écroulement du fonds utilisé par M. Müller.

Le Tribunal d'Ulm a appelé les parties à envisager un accord dans lequel Erwin Müller pourrait par exemple renoncer aux intérêts dus depuis 2013 sur le dommage qu'il estime avoir subi. Les deux avocats ont eux clairement signifié qu'une telle solution n'entrait pas en considération.

NOMBREUSES ENQUÊTES

Soupçonné d'avoir tenté de frauder le fisc allemand, M. Müller estime avoir perdu des millions en raison des mauvais conseils de la banque. L'affaire avait fait les gros titres de la presse il y a trois ans. L'enquête est menée par le ministère public de Cologne.

Les activités incriminées remontent à la période où Sarasin était contrôlé par le groupe néerlandais Rabobank. L'établissement, dont le siège se trouve à Bâle, appartient depuis 2011 au groupe brésilien Safra.

En 2014, le parquet de Cologne avait engagé une action à l'encontre d'Eric Sarasin, alors directeur général adjoint de la banque J. Safra Sarasin pour "assistance à une opération de soustraction fiscale et escroquerie par métier" dans le contexte de la distribution de produits "Cum/Ex". La procédure pénale avait été arrêtée en janvier 2016.

M. Sarasin, qui avait entre-temps quitté ses fonctions de directeur adjoint et de membre du comité exécutif de la banque J. Safra Sarasin, a cependant dû s'acquitter d'un montant "à six chiffres". Une somme qui ne constituait pas une amende et ne devait pas davantage être interprétée comme un aveu de culpabilité, selon la banque.

ats/fr