Pour rappel, l’année 2015 a été particulièrement difficile pour l’économie helvétique, dont la croissance du PIB s’était élevée à 0,8%, contre 2% en 2014. Elle avait en effet dû s’adapter à de nombreux changements, tels que la suppression du taux plancher liant le franc et l’euro (à 1,20 CHF pour 1€), la forte chute des cours du pétrole, et les restructurations du secteur bancaire. Durant cette période compliquée pour l’économie suisse, l’activité manufacturière et les exportations mondiales avaient souffert, et l’appréciation continue du dollar (+25% ente mi-2014 et début 2016) avait complétement déséquilibré l’économie.

En 2016, elle semble avoir digéré l’abolition du taux plancher par la BNS. Par ailleurs, les dépenses des ménages et du secteur public ont permis une reprise modérée de la croissance (+1,3% sur l’année) comme de l’inflation. Les chiffres du premier trimestre 2017 confirment cette dynamique ascendante et les prévisions de croissance pour 2018 ont été revues à la hausse par les économistes zurichois, selon AWP (+2,1% contre +1,8% initialement).

Alors que le contexte mondial laisse encore les investisseurs perplexes (crainte d’une fin de cycle aux Etats-Unis, d’une prochaine correction portant sur l’inflation excessive des actifs, d’une crise chinoise du crédit, et des risques géopolitiques), comment la BCGE explique-t-elle un tel regain d’optimisme ?
 
·         Les craintes sont infondées, les catalyseurs de crise sont insuffisants :

- La situation des ménages est beaucoup plus saine aujourd’hui que lors de la précédente crise de 2008-2009 et la hausse des taux d’intérêt à long terme est faible. Certes, le taux directeur de la FED a déjà été remonté 2 fois depuis le début de l’année aplatissant ainsi la courbe des taux, mais cette hausse n’étant pas brutale et démesurée, il n’y a pas de raison de tirer la sonnette d’alarme.

- Ce n’est pas parce qu’on atteint des sommets (en termes de prix des actions, des obligations, et de l’immobilier), que l’on va entrer dans une phase brutale de correction dans la mesure où il n’y a pas d’importante hausse des taux d’intérêt et que la croissance repart.

- La crise chinoise du crédit ne devrait pas se déclencher, la dette étant majoritairement domestique.

- Du côté des tensions géopolitiques, les élections de la zone euro (hollandaises, autrichiennes et françaises) n’ont pas provoqué de crise de confiance. Les marchés n’ont d’ailleurs pas tellement considéré ces risques et ne se sont pas affolés.

·         D’une reprise de la stabilité des devises à une reprise de la croissance :

- Le dollar, qui s’est apprécié de 25% entre mi-2014 et début 2016, recule depuis le premier trimestre 2017. Le taux de change entre les deux monnaies s’établit aujourd’hui à 1$ = 0.9713 CHF, et devrait rester plus ou moins stable (entre 0.97 et 0.99 CHF) pour 2017 et 2018. La stabilité des devises depuis fin 2016 permet ainsi de renouer avec la croissance grâce au rééquilibrage des prix (notamment entre matières premières et prix domestiques), des activités de la manufacture et des services, et des différents secteurs et zones géographiques. La reprise des différents facteurs économiques permet ainsi de stimuler les perspectives des entreprises et indirectement leur volonté d’investir.

- Le cycle suisse des exportations, fortement lié au cycle mondial, s’améliore depuis la fin de l’appréciation excessive du dollar, bien que le canton genevois reste dans le peloton de queue. Le secteur de l’horlogerie et de la bijouterie, qui représente 80% des exportations du canton, commence à peine à sortir la tête de l’eau. Ce retard s’explique par la forte dépendance de ces exportations à la croissance asiatique, notamment chinoise, qui a atteint en 2015 et 2016 son plus bas depuis 25 ans.
Toutefois le Bureau National de la Statistique (BNS) a dévoilé mi-avril un PIB chinois au-dessus du consensus, annonçant une poursuite de la dynamique haussière et donc une reprise des exportations suisses. Si les exportations dans le secteur de l’horlogerie repartent, elles utilisent néanmoins toujours les stocks et ne créent pas encore de valeur ajoutée. 



- Dans la mesure où les exportations s’améliorent, les investissements aussi (avec un décalage de 6 mois selon la BCGE), les deux variables étant très corrélées. Le retour des investissements des entreprises est la clef de la croissance : 44% d’entre eux sont dédiés à la recherche et développement (R&D) et aux technologies de l’information (IT), ce qui est source de productivité. Quelle que soit la branche d’activité (industrie, services financiers, construction, commerce de détail), la situation des affaires s’améliore depuis ce début d’année dans le canton de Genève.



- Le secteur de la construction, qui représente 9% du PIB genevois, permet d’accroître les perspectives de croissance. Le secteur continue en effet d’évoluer à un rythme élevé, ce qui permet par ailleurs une hausse des prix de l’immobilier.

- Le nombre grandissant de nouveaux bâtiments (comme en témoigne le graphique ci-dessous), provoquant donc une hausse des prix dans les différents segments du secteur immobilier, ne traduit pas nécessairement un début de crise immobilière, tant que le secteur continue à être alimenté.



- Pour maintenir les prix de l’immobilier, il convient d’alimenter le secteur en attirant de nouveaux résidents. Est ainsi notamment visée une population de plus de 65 ans investissant dans les constructions résidentielles. Pour attirer ces nouveaux résidents, il faut continuer à rendre le pays attractif via des politiques fiscales et sur l’immigration et améliorer le marché de l’emploi et continuer à diminuer le chômage.

- La réduction du nombre de chômeurs et de demandeurs d’emploi en Suisse témoigne de l’amélioration des entreprises et de l’évolution de l’emploi depuis fin 2016, tout comme le nombre croissant de frontaliers étrangers actifs dans le canton de Genève.



Conclusion :

Le creux 2015-2016 pour Genève (3 trimestres de contraction), mais également pour la Suisse dans son ensemble, semble achevé et la croissance se poursuit depuis la fin de l’année dernière. Les différents secteurs recommencent à être optimistes pour l’avenir et les conditions générales s’améliorent pour les entreprises suisses.
Tout comme les suisses en ce mois de juin ensoleillé, l’économie reprend des couleurs et la croissance, modérée, devrait se poursuivre, dans un contexte de taux d’intérêt qui devraient rester bas en 2017/2018.