par Patrick Vignal

PARIS, 15 juillet (Reuters) - La crise du coronavirus a renforcé l'importance de la prise en compte des enjeux sociaux dans les décisions d'investissement, dit-on chez BNP Paribas Asset Management.

Si les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont devenus une priorité encore plus grande pour les investisseurs depuis le début de la crise sanitaire, c'est surtout le "S", un peu à la traîne jusqu'alors, qui a gagné du terrain, dit à Reuters Jane Ambachtsheer, responsable "global sustainability" chez BNPP AM.

"Les dernières années ont été dominées par la thématique du climat mais cette crise met davantage en lumière la fragilité du système économique et le risque d'un renforcement des inégalités", dit-elle.

Dans une enquête réalisée par BNPP AM en collaboration avec l'institut Greenwich Associates auprès de professionnels européens de l'investissement, 79% des répondants citent les facteurs sociaux comme ayant un impact positif sur la performance à long terme et la gestion des risques.

"Les enjeux sociaux comme la gestion des ressources humaines ou la qualité de la relation employeur-employé prennent davantage d'importance", commente Jane Ambachtsheer. "L'enjeu climatique conservera un rôle central mais cette crise aura permis de mettre davantage l'accent sur le 'S'."

Les critères sociaux sont désormais estimés comme extrêmement ou très importants par 70% des répondants, soit une augmentation de 20 points de base depuis le Covid-19, contre 74% (+11 pdb) pour les enjeux environnementaux et 76% (+4 pdb) pour les facteurs de gouvernance, montre l'enquête.

Le changement de perception est particulièrement sensible en France, où les enjeux sociaux sont considérés comme importants par 92% des investisseurs, contre 39% avant la crise.

UNE SOLUTION GLOBALE NÉCESSAIRE

"Ce dont nous avons besoin, c'est de solutions pour le 'E', le 'S' et le 'G'", qui sont clairement interconnectés", explique Jane Ambachtsheer. "Regarder les trois comme un ensemble est, je crois, ce qui ressort de cette crise."

La tendance en faveur de l'investissement durable et responsable, déjà à l'oeuvre avant la crise, s'accélère dans l'univers de la gestion d'actifs, avec cependant encore des différences d'une société à l'autre, poursuit l'experte de BNPP AM.

"Vous ne pouvez plus faire une proposition à des clients ou à des distributeurs intermédiaires sans avoir une bonne réponse à la question sur ce que vous faites en matière d'ESG", dit-elle.

"La différence d'un groupe à l'autre se fait entre ceux qui recueillent l'avenir et ceux qui le font", ajoute-t-elle.

"Nous recueillons tous l'avenir, nous subirons tous l'impact du scénario climatique qui se dessinera, mais il y a un petit groupe en augmentation de gestionnaires d'actifs qui disent qu'ils n'ont pas seulement la possibilité mais aussi l'obligation d'influencer les entreprises qui figurent dans leur portefeuille et aussi les décideurs politiques qui définissent les règles."

La recherche tend à prouver que l'approche ESG est rentable mais poser la seule question du retour sur investissement revient à nier l'absolue nécessité d'un finance respectueuse de l'environnement et engagée socialement, insiste Jane Ambachtsheer.

"La question fondamentale est de savoir où nous serons dans une ou deux décennies et quelle type d'économie nous allons avoir", dit-elle. "Si nous ne nous engageons pas vers une forme d'investissement plus durable, la réponse nous rendra tous très malheureux."

(édité par Blandine Hénault)