Le stratège de la banque privée voit certes la croissance décélérer cette année mais estime que les marchés ont intégré à tort dans les cours une récession qu'il ne voit pas venir.

"Il y a eu une déconnexion l'an dernier entre ce qu'il s'est passé pour l'économie réelle et ce à quoi l'on a assisté sur les marchés financiers", dit-il à Reuters.

"Les marchés sont à des niveaux qui, à notre sens, anticipent des récessions, notamment aux Etats-Unis, ce qui n'est pas du tout notre scénario, qui est celui d'un ralentissement de la croissance mondiale, notamment aux Etats-Unis, mais pas d'une récession."

La croissance n'est pas morte, selon lui, ni pour l'économie, ni pour les bénéfices des entreprises, un facteur que les intervenants de marché suivront avec la plus grande attention lors de la saison de résultats trimestriels sur le point de débuter.

"Les marchés sont en train d'intégrer dans les cours une contraction des bénéfices alors que nous voyons leur croissance ralentir mais se poursuivre", dit-il.

La tendance l'an dernier a été pénalisée en outre par une multitude de risques politiques, des tensions commerciales entres les Etats-Unis et la Chine aux incertitudes entourant les négociations sur le Brexit et le bras de fer entre Rome et Bruxelles sur le budget de l'Italie, autant de dossiers qui devraient continuer de peser cette année.

"Les questions politiques ne font pas partie des choses que l'on peut prévoir et cela crée de l'incertitude, ce qui est un aspect négatif pour les marchés financiers et génère de la volatilité", commente Florent Bronès. "Pour que les fondamentaux positifs reprennent le dessus, il faut que l'incertitude politique diminue."

DEUX HAUSSES DE TAUX EN VUE AUX ÉTATS-UNIS

Autre dossier chaud, le resserrement monétaire en cours aux Etats-Unis et la communication parfois mal comprise sur les marchés du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, soumis en outre à une pression constante du président américain, adversaire déclaré de la politique de hausse de taux conduite par l'institution.

"Quand Donald Trump a commencé à remettre en cause l'indépendance de la Fed, ça a généré de la nervosité sur les marchés, ce qui a été un signal de l'accélération de la baisse à Wall Street, mais cela a été bref parce que dans les 48 heures qui ont suivi, plusieurs responsables de l'administration américaine sont intervenus pour corriger le tir", souligne l'expert de BNP Paribas WM.

"La Fed a changé sa communication, désormais un peu plus accommodante, mais personne n'a dit qu'elle ne remonterait pas les taux. Elle a dit prévoir deux hausses de taux cette année, en précisant que le calendrier dépendrait des données, ce qui est également notre scénario privilégié."

Autre élément ayant contribué à la baisse des marchés à la fin de l'année dernière, et non sans lien avec la politique monétaire de la Fed, l'amorce d'une inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis, un signal annonçant historiquement une entrée en récession à moyen terme.

"Ce qui domine les marchés obligataires, c'est l'aplatissement de la courbe des taux américains, avec les taux longs qui ont monté beaucoup moins que les taux courts", explique Florent Bronès.

"Les pessimistes y voient le signe de l'approche d'une récession mais notre vision est que la courbe reste légèrement positive et qu'il ne faut pas anticiper sur la base d'indicateurs avancés".

LES TAUX TROP BAS POUR COUVRIR L'INFLATION

Le pilotage des anticipations par les banques centrales, aux Etats-Unis comme en Europe, où la Banque centrale européenne (BCE) vient d'arrêter ses rachats d'actifs mais n'a pas commencé à relever ses taux, promet d'animer l'année qui vient de démarrer.

"Notre scénario de base chez BNP Paribas est que la BCE pourrait remonter légèrement son taux de dépôt, mais pas avant septembre ou octobre", dit Florent Bronès.

"A un moment ou un autre, il va falloir normaliser les politiques monétaires, qui restent anormalement accommodantes. Globalement, nous pensons que la normalisation des politiques monétaires va rester modérée parce que l'inflation ne pose pas de problème."

Dans ce contexte, BNP Paribas WM continue de préférer les actions aux obligations.

"Les niveaux des taux sont trop bas pour couvrir l'inflation, quels que soient les investissements défensifs que l'on décide de faire", argumente le responsable de la stratégie d'investissement de la banque privée.

"Notre conseil à nos clients est donc d'augmenter la part des actifs risqués dans leur portefeuille mais de diversifier en termes de géographie, de secteurs et d'actifs".

"En matière de géographie, nous recommandons les pays émergents, le Japon et la zone euro et nous sommes 'neutres' sur les actions américaines."

(édité par Blandine Hénault)

par Patrick Vignal