NEW YORK (awp/afp) - Boeing n'est pas près de voir le bout du tunnel dans la crise du 737 MAX. Dix mois après l'interdiction de vol de son avion vedette, de nombreuses questions restent en suspens, dont la date de sa remise en service.

David Calhoun, 62 ans, ancien cadre dirigeant de General Electric (GE), prend les commandes du constructeur aéronautique lundi après le limogeage, fin décembre, de Dennis Muilenburg, dont la gestion de crise était jugée catastrophique.

Que s'est-il passé ?

Le 10 mars 2019, un 737 MAX d'Ethiopian Airlines s'écrase au sud-est d'Addis-Abeba, quelques minutes après son décollage. C'est le deuxième accident en cinq mois de ce modèle, certifié en mai 2017 et concurrent de l'A320Neo d'Airbus dans le segment lucratif des avions monocouloirs.

L'accident a fait 157 morts auxquels s'ajoutent les 189 morts causés par le crash fin octobre 2018 d'un 737 MAX de la compagnie indonésienne Lion Air.

Le 13 mars, les Etats-Unis deviennent, avec le Canada, le dernier pays à clouer au sol le MAX. La crise commence.

Quand le MAX va-t-il revoler ?

Difficile à dire. L'hypothèse la plus optimiste est fin février/début mars, mais certains experts comme Richard Aboulafia, chez Teal group, évoquent fin avril/début mai.

United Airlines a supprimé le MAX de son programme de vol jusqu'en juin.

Les enquêtes des autorités indonésiennes et éthiopiennes ont mis en cause le logiciel anti-décrochage MCAS. L'agence fédérale américaine de l'aviation (FAA) a demandé à Boeing un correctif, sur lequel travaille l'avionneur.

Mais la crise a poussé la FAA à passer le MAX, qui avait été inspecté partiellement lors de sa certification initiale, au microscope.

Le régulateur a détecté un problème sur le microprocesseur de gestion des systèmes de vol et plus récemment un défaut sur les câblages électriques.

Une fois tous ces problèmes réglés par Boeing, la FAA devrait fixer la date d'un vol test, déterminant pour son feu vert.

Un grand pas a déjà été franchi dans la bonne direction: après avoir longtemps résisté à une formation des pilotes sur simulateur plutôt que sur ordinateur, exigée par les régulateurs européen et canadien mais plus longue et coûteuse, Boeing a fini par recommander cette option.

Boeing produit et livre-t-il encore le MAX ?

Boeing a suspendu les livraisons du MAX quelques jours après l'interdiction de vol. Et l'avionneur ne fabrique plus de MAX depuis le 1er janvier dernier et ce jusqu'à nouvel ordre.

De mi-mars à fin décembre, il en a produit 400 unités, portant le total à 787 le nombre d'appareils fabriqués. 387 étaient en service avant l'immobilisation au sol.

Ces avions sont parqués sur différents sites de Boeing aux Etats-Unis.

Boeing est-il fragilisé financièrement ?

Non. Boeing avait en main 10 milliards de dollars et disposait des lignes de crédit d'un montant de 20 milliards de dollars fin septembre, selon des documents financiers.

Outre ses avions de ligne, il fabrique des aéronefs et différents équipements militaires. Il est également présent dans l'espace.

Néanmoins, les coûts liés à la crise du MAX continuent d'augmenter. Ils avaient déjà atteint 9,2 milliards de dollars fin septembre et devraient croître très fortement car Boeing a reçu des demandes d'indemnisation des compagnies aériennes, des loueurs d'avions, des fournisseurs et des familles des victimes.

Pour couvrir ces futures dépenses, il envisage de s'endetter davantage en levant jusqu'à 5 milliards de dollars auprès des marchés financiers, selon le Wall Street Journal.

Quel avenir pour les salariés ?

Boeing a pour le moment écarté tout licenciement et toute mesure de chômage technique, des solutions susceptibles de déclencher un tollé politique en cette année électorale aux Etats-Unis.

Le constructeur a commencé à affecter des milliers de salariés à d'autres programmes - 767, 787 et 777/777X - et a promis de trouver des tâches aux autres.

Quelle incidence pour les sous-traitants?

Les répercussions sont disparates. Les motoristes comme General Electric et Safran, via leur co-entreprise CFM, sont quelque peu épargnés parce qu'ils fabriquent également des moteurs pour Airbus.

Ils vont ainsi profiter, comme de petits fournisseurs américains, de la décision spectaculaire d'Airbus d'augmenter sa production d'A320 aux Etats-Unis, à Mobile (Alabama, sud).

Toutefois, le groupe Spirit AeroSystems, qui fournit les fuselages et d'autres pièces du MAX, paie un lourd tribut, le programme 737 représentant à lui seul plus de 50% de son chiffre d'affaires: il va supprimer 16% de ses effectifs, soit 2.800 salariés, et n'exclut pas de nouvelles mesures.

Boeing est-il complètement distancé par Airbus?

Airbus a reçu des commandes nettes pour 768 avions en 2019 et en a livré 863. Boeing, qui n'a pas encore publié ses chiffres, présentait un déficit de 84 avions nets commandés fin novembre pour 345 livrés.

Airbus a également pris une longueur d'avance sur le segment du "milieu de marché" en lançant l'A321XLR, qui offre aux compagnies aériennes la possibilité d'ouvrir de nouvelles lignes long-courrier entre des villes secondaires avec un monocouloir, moins cher, plus facile à remplir et donc plus rentable.

Les premières commandes ont commencé à affluer, notamment de la part d'United Airlines, qui en a commandé une cinquantaine en décembre.

Boeing planche sur un avion concurrent, NMA, pouvant transporter de 220 à 270 passagers et parcourir jusqu'à 8.700 kilomètres. Il a pris beaucoup de retard et il n'est pas certain qu'il se lance cette année comme promis, en raison de la crise du MAX.

lo/Dt/AB/hh