Les passes d'armes se sont multipliées ces derniers jours entre le groupe français et le fonds spéculatif américain qui réclame une plus large redistribution aux actionnaires du trésor de guerre accumulé par la société après une cascade de cessions.

Psam a déposé deux résolutions en vue de l'AG de Vivendi du 17 avril réclamant quelque neuf milliards d'euros de dividendes au total pour les actionnaires mais ses chances de succès pourraient pâtir des recommandations défavorables rendues par les très suivies sociétés américaines de conseil aux actionnaires ISS et Glass Lewis. et

Dans ce duel sous tension, le fonds, qui détient 0,8% de Vivendi, pourrait garder une botte secrète en utilisant la faculté qui lui est offerte en tant qu'actionnaire de demander des changements dans la composition du conseil de surveillance au cours même de l'AG.

Si la réglementation prévoit une date limite pour le dépôt des résolutions soumises au vote, tout actionnaire a la faculté de demander pendant l'assemblée à ce qu'un texte portant sur la révocation ou la nomination d'un administrateur soit débattu et fasse l'objet d'un vote.

Psam, qui a plusieurs fois exprimé des critiques sur la gouvernance de Vivendi et des interrogations sur l'indépendance de certains membres du conseil, ne prévoit pas cependant de porter la fronde sur ce terrain.

"Nous ne préparons rien en ce qui concerne les administrateurs. Nous n'avons absolument aucun projet sur ce plan", a déclaré Peter Schoenfeld lors d'un entretien.

Le conseil de surveillance de Vivendi, présidé depuis juin dernier par son principal actionnaire Vincent Bolloré, compte à ce jour 14 membres dont dix indépendants.

Sa composition, qui porte encore la marque de l'ancien président Jean-René Fourtou, est appelée à évoluer lors de la prochaine AG avec les nominations proposées de deux personnalités réputées proches de l'industriel breton : Dominique Delport, directeur général d'Havas Media Group, et Tarak Ben Ammar, PDG de Quinta Communications.

PSAM SE DÉFEND DE VOULOIR DÉMANTELER VIVENDI

Vincent Bolloré, qui a plus que doublé au cours du mois écoulé sa participation au capital de Vivendi pour la porter à 12%, pourrait encore chercher à renforcer sa garde en proposant la nomination de nouveaux administrateurs, comme il l'a précisé dans un avis publié par l'Autorité des marchés financiers jeudi.

Interrogé sur le sujet, Vivendi n'a pas souhaité faire de commentaire.

Dans ce bras de fer, Psam a reçu un soutien inattendu de la part de l'AMF qui a demandé, et obtenu, de Vivendi qu'il clarifie ses propos quant au risque juridique que pourrait encourir le fonds américain vis à vis de la réglementation française encadrant la part des non-Européens au capital d'une télévision francophone.

Tout en réaffirmant sa position, Vivendi a reconnu jeudi soir que le débat n'avait pas été tranché par la justice et a ôté la référence à plusieurs milliards d'euros d'indemnités contenue dans une précédente communication.

"Il s'agissait d'une communication portant à confusion et l'AMF a confirmé notre opinion", a expliqué Peter Schoenfeld, qui y voit une tactique de Vivendi visant à dissuader les investisseurs de le rallier.

Quelques actionnaires américains se sont selon lui montrés frileux à l'idée de rencontrer Psam en attendant de tirer au clair le risque de recours juridique.

Peter Schoenfeld se dit malgré tout "optimiste". "Les gens nous écoutent, en particulier, certains des plus grands fonds nous prêtent l'oreille, la plupart en Europe".

De l'avis de certains observateurs, le fonds pourrait s'être tiré une balle de pied en évoquant le scénario d'une scission d'Universal Music Group, propriété de Vivendi, notamment dans l'un des courriers qu'il a adressés au groupe de médias. Vivendi, qui contrôle également le groupe de télévision payante Canal+, accuse Psam de chercher en réalité à démanteler la société dans une perspective purement financière.

"Notre projet n'est pas de démanteler le groupe", a martelé Peter Schoenfeld. "Faire ressortir la valeur d'Universal à travers une scission totale ou partielle ne constitue pas un démantèlement. Cela ne pourrait concerner que 15% de la société, le reste étant détenu par Vivendi", a-t-il ajouté, en réaffirmant que l'objectif ultime du fonds était de créer de la valeur pour les actionnaires.

(Avec Matthieu Protard, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gwénaëlle Barzic et Leila Abboud

Valeurs citées dans l'article : Vivendi, BOLLORE