En milieu de journée, le titre du groupe de Xavier Niel cédait 7,26% à 191,05 euros, accusant sa plus forte baisse sur une séance depuis le 20 décembre 2013 dans des volumes de transactions étoffés représentant 3,4 fois leur moyenne quotidienne des trois derniers mois sur Euronext.

L'opérateur télécoms a confirmé jeudi soir avoir lancé une offre surprise pour prendre le contrôle de l'opérateur T-Mobile US, un projet qui pourrait contrecarrer les plans de Sprint, également intéressé par la filiale américaine de Deutsche Telekom.

L'initiative d'Iliad, qui a pris tout le monde de court, pèse également en Bourse sur ses concurrents : Orange perd 2,81% tandis que Bouygues, maison mère de Bouygues Telecom, cède 4,28% accusant l'une des plus fortes baisses du CAC 40.

Le marché s'inquiète de voir s'éloigner la probabilité d'une réduction du nombre d'opérateurs en France qu'il juge nécessaire pour réparer un marché affaibli par trois années de guerre des prix.

"Suite aux velléités d'Iliad Outre-Atlantique, la marge de manoeuvre financière du groupe pourrait être plus que réduite pour profiter d'opportunités dans le cadre de la consolidation des télécoms en France, autour du démantèlement de Bouygues Telecom typiquement", expliquent les analystes d'Oddo dans une note.

Des discussions ont eu lieu ces derniers mois autour de Bouygues Telecom, l'opérateur en difficulté, esseulé après l'échec de sa tentative de rachat de la filiale de Vivendi, SFR.

Ces discussions qui ont impliqué Orange et Iliad n'ont pas permis de déboucher jusqu'à présent sur un accord, les exigences financières de Bouygues pour sa filiale étant notamment jugées trop élevées.

Si Free devait effectivement sortir du jeu, le scénario alternatif d'un rapprochement avec l'opérateur historique Orange apparaît délicat au vu des difficultés qu'il rencontrerait vis-à-vis des autorités de concurrence.

INCERTITUDES

Le numéro un des télécoms a d'ailleurs plusieurs fois fait savoir qu'il était prêt à s'impliquer dans une opération de consolidation mais à la seule condition qu'il n'en soit pas le chef de file.

Certains analystes estiment toutefois qu'Iliad, à travers son offre, pourrait chercher à mettre la pression sur ses partenaires de négociation.

"Il nous semble qu'Iliad veut faire passer le message qu'il est passé à autre chose, mettant la pression sur ses concurrents pour qu'ils reconsidèrent ses termes de négociations", estiment les analystes de Raymond James dans une note.

Outre la menace qu'elle fait peser sur la consolidation, l'initiative d'Iliad a créé la stupeur sur le marché qui s'interroge sur la stratégie de la société et sa capacité à mener de front une transaction majeure tout en poursuivant son déploiement encore inachevé dans le mobile en France.

Même si la dilution des actionnaires devrait être limitée, la part de l'augmentation de capital d'Iliad étant réduite à deux milliards d'euros sur un total de 11 milliards de financement, elle ouvre une période d'incertitudes qui pourrait se prolonger en cas de guerre des offres entre Free et son rival Sprint.

"Le management d'Iliad a toujours dit qu'il était concentré à 100% sur la France (...) alors il s'agit d'un mouvement surprenant et il est de taille", soulignent les analystes d'Exane BNP Paribas.

Plusieurs spécialistes soulignent que c'est le fondateur et dirigeant de la société Xavier Niel, et non son groupe, qui avait jusque-là supervisé à titre personnel les incursions en dehors de l'Hexagone comme à Monaco ou en Israël.

"Iliad a encore du travail à faire en France et son équipe de management est réduite", soulignent pour leur part les analystes de Raymond James.

Les analystes se montrent sceptiques quant aux chances de réussite du dernier pari de Xavier Niel, l'offre en numéraire de Free, qui compte 14 millions d'abonnés dont 9 millions dans le mobile à comparer à 50 millions pour sa cible, étant inférieure à celle de son concurrent (33,0 dollars par action vs 40 dollars par action pour Sprint selon une source).

Iliad met en avant un potentiel de dix milliards d'euros de synergies qu'il ambitionne de mettre en oeuvre en appliquant une meilleure gestion de T-Mobile US, un chiffre qui laisse circonspect les investisseurs, Iliad n'ayant pas d'activité aux Etats-Unis.

"C'est l'une des opérations potentielles les plus étranges que l'on ait jamais vue dans le secteur", s'étonnent les analystes d'Espirito Santo.

(Avec Alexandre Boksenbaum-Granier et Leila Abboud, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gwénaëlle Barzic

Valeurs citées dans l'article : BOUYGUES, ORANGE SA, ILIAD, Deutsche Telekom AG, T-Mobile Us Inc