Par Yann Morell y Alcover

Un mal pour un bien? Ce n'est pas ce que semblent penser les investisseurs qui sanctionnent le titre Bouygues (>> BOUYGUES), alors que face à Numéricable (>> NUMERICABLE), le groupe a perdu la course au contrôle de SFR.

L'action Bouygues abandonne 5,1%, à 29,25 euros, lundi en début d'après-midi.

Avec le rapprochement de Numericable et SFR, Bouygues Telecom, la filiale de télécommunications de Bouygues, voit l'émergence d'un concurrent encore plus redoutable sur le marché français. Dans le même temps, la menace liée à la politique commerciale très agressive d'Iliad (ILAD.FR), la maison mère de Free, reste d'actualité.

Pas de remise en cause fondamentale

Mais la décision prise par Vivendi évite aussi à Bouygues, pris au jeu de la surenchère, de surpayer l'acquisition de SFR et d'être embarqué dans une fusion complexe, au succès opérationnel et financier incertain.

"Il s'agit d'une déconvenue, d'une occasion ratée, nullement d'un échec ou d'une remise en cause des 'business models' tel que le marché les intégraient début février 2014 avant cette agitation," résument les analystes de Natixis dans une note.

Bouygues Telecom peut par ailleurs étudier d'autres options. Car l'accord SFR-Numericable constitue également une nouvelle mitigée pour les autres acteurs du secteur: Orange (>> ORANGE SA) et surtout Iliad.

Si une fusion SFR-Bouygues Telecom avait abouti, Iliad - dont la construction du réseau de téléphonie mobile demeure un chantier en cours - aurait récupéré tout ou partie du réseau de Bouygues, ainsi que certaines des fréquences de l'opérateur. Free se retrouve de facto privé de cette aubaine.

Le calumet de la paix avec Iliad?

Selon la plupart des analystes, un rapprochement entre Bouygues Telecom et Free constituerait une suite naturelle à la fusion SFR-Numericable. "Après une déception logique suite au choix de Numericable, le titre Bouygues devrait bénéficier d'une spéculation légitime autour de la sortie des télécoms," expliquent les analystes d'Oddo Securities dans une note diffusée lundi.

Pour autant, un tel scénario pourrait prendre du temps. Depuis son arrivée sur le marché français de la téléphonie mobile, Iliad a suscité une animosité certaine, tournant parfois à la rivalité personnelle avec ses concurrents. Bouygues va permettre aux abonnés de l'Internet fixe de réaliser 150 euros d'économies par an: "Que Xavier Niel fasse la même chose s'il en est capable!," avait notamment lâché Martin Bouygues, le patron de Bouygues, en décembre au Figaro...

Les analystes de Natixis, sans exclure un rapprochement entre Bouygues Telecom et Iliad à terme, estiment qu'un tel scénario demeure peu probable dans l'immédiat. Mais là encore, d'autres options s'offrent à Bouygues. Le changement d'actionnaire chez SFR pourrait servir de prétexte à une remise en cause de l'accord de partage de réseau conclu entre Bouygues télécom et SFR en début d'année. "Bouygues pourrait alors se tourner vers Orange," prévient Natixis.

Confronté à une rentabilité opérationnelle en berne et inférieure à celle de ses principaux concurrents, ainsi qu'à des besoins d'investissement massifs dans son réseau, Bouygues Telecom pourra difficilement rester isolé. Reste à trouver la meilleure combinaison possible.

-Yann Morell y Alcover, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 60; yann.morellyalcover@wsj.com

"Le Market Blog" est le blog économique et financier du Service français de Dow Jones Newswires.

Valeurs citées dans l'article : BOUYGUES, ORANGE SA, NUMERICABLE