Londres (awp/afp) - Le géant britannique des hydrocarbures BP a essuyé une énorme perte de 4,4 milliards de dollars (pratiquement autant en francs suisses) au premier trimestre, face à la déroute d'un marché pétrolier frappé par la pandémie et qui n'a pas fini de plomber le secteur.

Le groupe avait dégagé un bénéfice net de 2,9 milliards de dollars un an plus tôt, a-t-il rappelé mardi dans un communiqué.

Comme l'ensemble de ses concurrents, BP fait face à une crise sans précédent, marquée par un effondrement spectaculaire des prix du pétrole en mars du fait notamment d'une demande mondiale à l'arrêt.

Et la chute des cours qui s'est poursuivie en avril, avec un baril américain qui est même passé en négatif, augure d'une année cauchemardesque pour le secteur et BP.

Le groupe est en outre particulièrement sensible au marché américain depuis le rachat d'actifs dans le schiste pour plus de 10 milliards de dollars auprès du groupe minier BHP en 2018.

"Notre industrie est touchée par des chocs sur l'offre et sur la demande d'une ampleur jamais vue auparavant", relève le directeur général du groupe Bernard Looney.

BP explique que la très forte baisse de la demande, du fait des confinements de population et des restrictions de déplacements, entraîne une saturation des capacités de stockage, ce qui pèse lourdement sur les prix.

Dans le même temps, selon le groupe, les efforts des pays de l'Opep et de ses partenaires pour limiter la production de 10 millions de barils par jour ne devraient pas suffire à rééquilibrer le marché à court terme.

BP s'attend à produire encore moins au deuxième trimestre, par rapport au premier, tandis que ses activités dans le raffinage vont encore tourner au ralenti et plomber les marges.

De son côté, à la Bourse de Londres, son titre, qui n'a jamais été aussi bas depuis le milieu des années 1990, reprenait quelques couleurs après avoir débuté en baisse. Il prenait 0,92% à 317,05 pence vers 09H40 GMT, alors que les cours du brut se reprenaient sur le marché.

Pour amortir le choc, BP rappelle avoir mis en place une série de mesures, dont une réduction de 25% de ses dépenses d'investissement, qui tomberont à 12 milliards de dollars cette année.

En parallèle, le groupe va mettre en oeuvre un programme d'économies de 2,5 milliards de dollars d'ici fin 2021, en mettant l'accent sur le numérique et des synergies entre activités.

Et il a renforcé sa trésorerie, qui atteignait 32 milliards de dollars fin mars avec des facilités de crédit et des emprunts obligataires.

Mais son directeur général a préparé les esprits à une baisse des effectifs.

"Il y aura des suppressions d'emplois dans le monde d'ici la fin de l'année", a-t-il dit dans un entretien au Financial Times, sans donner de détails et en évoquant un environnement de marché "brutal".

Michael Hewson, analyste chez CMC Markets, observe que l'ensemble de ces initiatives doivent permettre selon BP d'être rentable à partir de 35 dollars le baril.

"C'est encore bien au-dessus des niveaux actuels, ce qui veut dire que même si le groupe y arrive, il brûlera encore des liquidités mais peut-être à un rythme un peu plus faible", souligne l'analyste.

Mardi matin, le baril américain valait 12 dollars et celui de Brent de la mer du Nord 20 dollars.

Dividende maintenu

En revanche, BP n'a pas touché à son dividende, ce qui était dénoncé par Greenpeace.

"Compte tenu du plongeon des profits, les dividendes ne sont pas nécessaires et ne peuvent pas prendre le pas sur l'investissement dans les énergies renouvelables", selon l'ONG.

Cette crise pétrolière pourrait compliquer la tâche de BP en matière climatique, puisque le groupe a promis d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Il doit dévoiler dans les prochains mois sa stratégie pour y parvenir, au moment où son attention est focalisée sur la crise actuelle.

Signe de l'impact attendu du choc pétrolier, jusqu'à 30.000 emplois pourraient être supprimés d'ici 18 mois dans le secteur du pétrole et du gaz au Royaume-Uni, selon l'association professionnelle Oil and Gas UK.

Cette dernière réclame l'aide des gouvernements pour "traverser cette tempête" qui pourrait réduire de 50% l'activité des forages en mer.

afp/jh