La Livre Sterling, pourtant largement délaissée par les investisseurs après le vote en faveur du Brexit, retrouve le chemin de la hausse, soutenu par la tension des prix et ses conséquences sur le ton de la politique monétaire.

Etape 1 : 12 septembre. L'inflation atteint +2.9% sur un an au mois d’Août, contre un objectif de 2% fixé par la Banque d'Angleterre (BoE). La dépréciation du Sterling, sanctionné par les incertitudes quant à l'avenir du pays en dehors de l'Union européenne, fait mécaniquement grimper les prix des produits importés. Plus préoccupant encore pour les argentiers britanniques, l'inflation sous-jacente, qui exclue les secteurs les plus volatils, enregistre un bond de +2.7%, un record depuis 2011 qui nourrit les anticipations de hausse de taux.

Etape 2 : 14 septembre. La réaction de la BoE, qui avait assoupli sa politique peu après le référendum, ne s'est pas faite attendre. Si le comité de politique monétaire de l'institution a opté pour le statu quo à 7 voix contre 2 lors de sa dernière réunion, il n'a pas laissé passer l'occasion de publier un compte-rendu offensif, une arme rhétorique régulièrement utilisée par les banques centrales, tantôt comme un préalable à l'action, tantôt pour exercer une influence sur leur devise. Dans le cas présent, bien qu'elle prépare distinctement les marchés à un potentiel tour de vis, la BoE cherche avant tout à rééquilibrer la Livre dans l’espoir de juguler la hausse des prix.

En effet, si la probabilité d'un retour du taux directeur à 0.5% (en vigueur entre mars 2009 et août 2016) d'ici la fin de l'année n'est pas nulle, entamer un cycle de resserrement monétaire n'est pas une hypothèse crédible face au manque de visibilité imposé par le contexte particulier du Brexit.

Etape 3 : 15 septembre. Gertjan Vlieghe, l’un des neuf membres du Comité de la BoE, habituellement connu pour des positions plus souples, s'assurait dès le lendemain que le marché des changes ait bien reçu le message en réitérant les intentions restrictives de la banque centrale. Des promesses qui suffisent à réveiller les ardeurs des cambistes et à emballer les algorithmes, propulsant de concert la parité GBP/USD vers des niveaux de prix qui n’ont plus été échangés depuis le résultat du référendum il y a 15 mois.

Pourtant, si la devise britannique profite ponctuellement de ces larges mouvements spéculatifs de court terme, les fondamentaux économiques et les incertitudes qui entourent l'avenir du pays en dehors du marché européen ne plaident pas en faveur d'un mouvement durable.

Sur le plan macro d'abord, si le taux de chômage rassure en chutant à 4.3%, un niveau inédit depuis 1975, la croissance des salaires stagne, un signal de très mauvais augure pour le pouvoir d'achat des ménages et les chiffres de la consommation face à une inflation galopante.

Quant aux négociations avec Bruxelles, si aucun heurt particulier n'est à déplorer jusqu'ici, l'UE n'a pas vocation à faciliter la tâche des opposants à la construction européenne, ni sur le coût du divorce, ni sur l'accès futur au marché unique. A Londres, les institutions financières ignorent, entre autres choses, si elles conserveront leur passeport européen, sésame indispensable pour profiter d’un marché de taille continentale. Pressentant légitimement une issue douloureuse outre-Manche, elles s'interrogent déjà sur leur délocalisation vers Francfort, Paris, Luxembourg ou ailleurs.

Graphiquement, alors qu’il évoluait encore sous 1.28 USD à la fin du mois d’Août, le cable rallie 1.36 USD, s’offrant une marge supplémentaire par rapport aux points bas enregistrés lors du flash krach du 7 octobre dernier. Si la dynamique est logiquement haussière sur tous les horizons, le risque économique et politique reste trop conséquent à ce stade pour raffermir la confiance que nous accordons à la monnaie britannique et nous nous tenons provisoirement à l’écart de la parité.