Bercy a confirmé début juillet son souhait de céder dix milliards d'euros du portefeuille de l'Etat actionnaire pour alimenter un fonds d'investissement dédié à l'industrie et à l'innovation.

"Il est difficile de donner un calendrier précis car cela dépendra des conditions de marché mais (le ministre de l'Economie) Bruno Le Maire veut aller très vite sur le fonds dédié à l'innovation", a dit à Reuters une source gouvernementale.

D'autres sources proches du dossier évoquent une fenêtre de tir allant de la fin août au début octobre pour décider des premières cessions.

Selon une deuxième source au fait du dossier, le ministre a déjà dressé une liste qui pourrait dicter la chronologie des opérations.

"Le Maire (...) a classé les dossiers en trois piles : ce qui est stratégique et reste chez l'Etat (Thales, Safran, Airbus), ce qui est non stratégique et prioritaire (Orange, ADP), et ce qui est non stratégique (et) non prioritaire (Renault-Nissan)", dit-elle.

Une source bancaire souligne cependant que "sur ce sujet des cessions, le pouvoir est à l'Elysée" et rappelle que le président Emmanuel Macron a deux anciens de l'Agence des participations de l'Etat (APE) à ses côtés : le secrétaire général Alexis Kohler et Alexis Zajdenweber, son conseiller économie, finances et industrie.

Outre la défense, les secteurs de l'énergie nucléaire et des mines sont considérés comme stratégiques et la présence de l'Etat y restera sanctuarisée.

VINCI ET LA CDC REGARDERONT ADP

STMicroelectronics ne devrait pas non plus être concerné car le secteur des puces est considéré comme clef, selon une deuxième source gouvernementale. De surcroît, ajoute cette source, un pacte avec l'Etat italien, coactionnaire, rend le sujet plus compliqué.

Dans le cas d'Aéroports de Paris (ADP) ou d'Engie, un éventuel allègement au capital devra passer au préalable par une modification de la législation car le cadre législatif actuel ne permet pas à l'Etat de descendre sous les 50% de l'opérateur d'Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle et sous les 30% du fournisseur de gaz et d'électricité.

Pour l'heure, selon les sources contactées par Reuters, l'Agence des participations de l'Etat n'a pas encore enclenché de procédure, même sous la forme de contacts informels avec des acheteurs potentiels ou de mandats confiés à des banques d'affaires.

L'Agence a beaucoup discuté ces derniers temps avec les entreprises dont l'Etat est actionnaire mais "les plans de l'APE ne sont pas pour autant figés", a précisé une des sources.

Le PDG d'Orange Stéphane Richard a déclaré le 27 juillet que l'opérateur n'avait pas d'information sur les projets de l'Etat concernant ses 23% au capital du groupe.

Quant à ADP, un des dossiers auxquels les pouvoirs publics pourraient rapidement s'atteler, l'actionnaire Vinci a indiqué qu'il le regarderait mais une fois que l'Etat aura fait part de ses projets.

"Il est illusoire de se positionner tant qu'on ne sait pas ce que va faire l'Etat", a assuré fin juillet le PDG de Vinci Xavier Huillard. "S'il y a une opportunité sur ADP, on essaiera de jouer un rôle mais on est très zen."

Début juillet, la Caisse des dépôts - qui a déjà travaillé en tandem avec Vinci, sur la LGV Tours-Bordeaux et sur l'aéroport de Lyon - avait aussi fait part de son intention d'étudier le dossier ADP.

L'EXEMPLE D'AIR FRANCE-KLM

Les sources contactées par Reuters évoquent également des réflexions en cours sur une privatisation partielle de la Française des Jeux (FDJ).

"La Française des Jeux est un bon sujet", souligne une source bancaire. "Les banques ont beaucoup 'pitché' le sujet (soumis des propositions) mais rien n'est tranché."

Plusieurs hypothèses circulent, parmi lesquelles l'entrée au capital d'un opérateur de contenus ou d'une autre loterie européenne.

FDJ n'a pas souhaité faire de commentaire.

L'héritière de la Loterie nationale créée en 1933, elle-même inspirée de la loterie des "Gueules cassées" qui venait en aide aux soldats défigurés de la Première Guerre mondiale, est contrôlée à 72% par l'Etat français. Quatrième loterie mondiale et numéro deux européenne derrière l'italienne Lottomatica, elle revendique quelque 26 millions de joueurs.

L'Etat actionnaire peut aussi choisir des voies plus originales pour alléger son portefeuille, comme dans le cas d'Air France-KLM : il a donné son feu vert à l'accord annoncé le 27 juillet, qui se traduira par l'entrée des compagnies Delta Air Lines et China Eastern au capital d'AF-KLM et verra la part de l'Etat français dans le groupe franco-néerlandais diluée de 17,6% à 14%.

(Avec Benjamin Mallet à Paris et Sophie Sassard à Londres, édité par Marc Joanny et Dominique Rodriguez)

par Gwénaëlle Barzic, Matthieu Protard et Gilles Guillaume