Les relations entre Casino et Bernstein ne risquent pas de s'améliorer avec la dernière analyse transmise par l'intermédiaire financier à ses clients ce matin. Le torchon brûlait déjà entre eux après une vaste étude produite par Bernstein dans le sillage de la publication des comptes semestriels du distributeur. L'analyste Bruno Monteyne a de nouveau retiré 5,80 EUR par action de sa valorisation, pour deux raisons :
  • -1,80 EUR liés à une mauvaise évaluation initiale de la dette de Casino France, à cause de la ligne de crédit Segisor, qui a déjà fait couler pas mal d'encre. Cette ligne a été fournie par une filiale brésilienne à l'entité française en anticipation des dividendes futurs de GPA.
  • -4 EUR à cause de la dégradation de la situation dans les économies émergentes, qui pèse sur les devises et sur les actifs cotés localement.
 
"Contrairement à ce que pensent certains investisseurs, Casino n'a pas de problème de liquidité. Casino a un problème de valorisation : en fonction de l'évolution du cours de bourse de Casino, Rallye ou Foncière Euris pourraient connaître des problèmes de liquidité", écrit Monteyne ce matin. Il a calculé que sous un cours de 24,30 EUR pour l'action Casino, Rallye pourrait avoir du mal à refinancer ses échéances. Compte tenu de ce problème, vendre des actifs et/ou fournir plus de liquidités à Rallye ne résoudra pas les problèmes. "Pour faire la différence, Casino doit être capable de céder des actifs bien au-dessus de leur valeur induite par la somme des parties, ou restructurer ses holdings", poursuit Monteyne.
 
L'analyste ne s'arrête pas en si bon chemin et propose différents scénarios envisageables :
  1. Des hypothèses qui, selon Bernstein, risquent de peser sur l'action Casino :
    1. Fusionner Rallye et Casino : un schéma qui profiterait avant tout aux obligataires de Rallye, c’est-à-dire aux banques. Pour les actionnaires, pas grand-chose à gagner puisqu'ils récupéreraient 2,6 milliards d'euros de dette avec peu d'actifs en face. Mais cette solution aurait le mérite de solutionner un problème majeur car la nouvelle entité "pourrait enfin faire ce que toutes les entreprises endettées font : arrêter de payer un dividende aussi élevé et consacrer le cash au service de la dette".
    2. Casino rachète les actifs restants de Rallye (Go Sport) avec un transfert de cash direct. Aux dépens des actionnaires là encore, car l'actif serait probablement transféré à un prix trop élevé.
    3. Restructurer la dette de Rallye, un scénario que certains analystes ont déjà débattu mais qui impliquerait une réduction de la détention de Jean-Charles Naouri dans Rallye et donc dans Casino.
  2. Des hypothèses plus favorables aux actionnaires :
    1. Vendre Cnova, qui est en bonne position en France et qui pourrait par conséquent générer un bon prix. Une transaction bien ficelée pourrait amener 7 EUR par action Casino en valorisation pour 100% du capital (Carrefour est cité comme prétendant potentiel) ou moins en cas de cession seulement partielle.
    2. Vendre Monoprix, qui pourrait être bien valorisé compte tenu de son positionnement premium. Cela affaiblirait cependant le profil de Casino France.
    3. Vendre la filiale argentine à Carrefour, même si l'analyste pense que l'impact serait insuffisant.
    4. Dans le cadre du plan de cession de 1,5 milliard d'euros d'actifs en France, il y a des actifs dont on parle peu (comme Vindemia), dont l'impact est faible sur l'Ebitda mais qui pourraient être bien valorisés. Ceci dit, Monteyne "a trouvé très peu d'informations sur le périmètre exact de ces actifs et sur leur valorisation potentiel"…
    5. La cession d'actions Mercialys permet de lever du cash mais n'a pas d'impact sur la valorisation de Casino.
  3. Des opérations de "sale and lease back" :
    1. Bernstein pense que l'essentiel du plan de cession France aura lieu via des opérations de sale and lease back, ce qui, a première vue, ne revient qu'à remplacer un type de dette par une autre. Mais le spécialiste pense qu'à terme, cela aura un impact positif sur la valorisation, mais "seulement une fois que la poussière sera retombée".
  4. Restructurer l'Amérique Latine :
    1. Berstein pense que Casino pourrait vendre Via Varejo (pour avoir du cash) et fusionner Exito et GPA (pour simplifier la dette), puis simplifier la structure de détention, ce qui ne se ferait pas sans mal puisqu'aux dépens des minoritaires de GPA et Exito. Casino obtiendrait une valorisation immédiate plus élevée pour cet actif (Bernstein reste persuadé que le problème du groupe tient à la valorisation). Dans ce scénario, la valorisation du solde de titres GPA et Exito risque cependant de souffrir et de réduire in fine le bénéfice de l'opération.
Conclusion ? Bernstein voit un potentiel à la fois haussier et baissier sur le titre, assez bien équilibré entre les deux types d'hypothèses. Mais la lecture du rapport de 20 pages montre que le curseur penche davantage du côté de la prudence.