Casino a signé avec un investisseur institutionnel une promesse synallagmatique de vente des murs de 55 magasins Monoprix pour 565 millions d'euros, hors droits d'enregistrement. Le produit des cessions sera encaissé d'ici la fin de l'année. L'enseigne va continuer à occuper les locaux en échange d'un loyer annuel de 27 millions d'euros, qui fait ressortir un rendement de 4,8%. Le management, tout en réitérant ses objectifs 2018 et en fournissant une trajectoire 2019, a fait savoir que des manifestations d'intérêts pour d'autres actifs ont été formulées et qu'elles pourraient se concrétiser avant la fin de l'année. En ajoutant la transaction Mercialys, le bilan des cessions engagées et de 778 millions d'euros.
 
"La beauté d'une opération de sales & lease-back est qu'elle permet de créer de la valeur dans une valorisation par la somme des parties", explique Bruno Monteyne, l'analyste de Bernstein qui a beaucoup fait parler de lui récemment pour avoir remis en cause la valeur du périmètre français du groupe, à cause de la complexité de son architecture (une position fermement combattue par Casino). Dans le schéma proposé, la société récupère 565 millions d'euros de liquidités mais perd seulement 162 millions d'euros en valeur d'entreprise (multiple de 6 fois retenu sur un niveau d'Ebitda réduit des loyers de 27 millions d'euros). Le bilan de l'opération est ainsi positif de 403 millions d'euros, somme qui vient s'ajouter à la valeur d'actifs, soit 3,70 EUR par action (sur la base de 109 millions de titres).
 
Le revers de la médaille
 
Mais si c'est si positif, pourquoi tous les distributeurs ne le font-ils pas ? Parce que cela accroît l'effet de levier, explique Monteyne, et que cela crée de la dette hors bilan (que les nouveaux standards comptables devraient d'ailleurs réintégrer dans le bilan). L'opération du jour fait passer 17,4% du parc de Monoprix dans la sphère locative, ce qui signifie que l'enseigne possède nettement moins que la moitié de ses murs (Bernstein évalue à environ 50% le taux de détention avant l'opération).
 
Quant à savoir si cela résout les problèmes de dette de Rallye, la réponse est non, selon l'analyste. La transaction va encore renforcer la trésorerie élevée de Casino, dont l'utilisation reste à déterminer, tout en grevant le levier opérationnel de son meilleur actif, Monoprix. Rallye est toujours surendetté. Monteyne considère que la cession était déjà dans les cours et qu'elle n'a qu'un impact marginal sur la position qu'il a adoptée (3 à 4 EUR sur une valorisation globale de 20 EUR), justifiant le maintien de son avis "sousperformance". Il est par ailleurs sceptique sur la fiabilité de la prévision 2019 fournie par Casino, qui lui semble vraiment très élevée. "Comment Casino peut-il déjà anticiper les dynamiques concurrentielles de l'année prochaine avec une telle précision, voilà qui nous pose question ?", conclut Bernstein.

Piqure de rappel : l'organisation du groupe (Source : Finatis)
 
Un pas dans la bonne direction
 
D'autres analystes sont plus réceptifs à la transaction, même s'ils expliquent qu'elle était attendue. Bryan Garnier y voit un indicateur positif pour le désendettement et pour le sentiment de marché. Chez Invest Securities, on explique qu'il s'agit d'une "étape importante" qui ne devrait pas affecter les implantations les plus stratégiques de Monoprix. "Cette perte de levier opérationnel est le prix à payer sur des opérations de ce type", précise le bureau d'études. Pour autant, c'est bien Rallye qui reste au centre du jeu, et les investisseurs les plus sceptiques aimeraient comprendre par quel canal les ressources plutôt solides de la filiale Casino pourront remonter à l'étage supérieur.