PARIS, 6 février (Reuters) - Un guide des bonnes pratiques visant à mettre fin à l'inflation des pénalités "automatiques" infligées par les grands groupes de distribution mécontents des prestations de leurs fournisseurs de denrées alimentaires a été mis en ligne jeudi.

Ces sanctions pécuniaires sont prélevées, parfois d'office, par les grands groupes de distribution sur leurs fournisseurs s'ils jugent que la marchandise promise a été livrée en retard ou en quantité et qualité non conforme au contrat.

Ces "pénalités logistiques" édictées par des groupes très puissants parce qu'en nombre réduit - Auchan, Carrefour , Système U, Casino , Intermarché et Leclerc, face à des milliers de producteurs, se chiffreraient en milliers d'euros pour certains fournisseurs de taille modeste et en millions d'euros pour les grands groupes alimentaires par an.

A tel point que le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances avaient saisi en juillet dernier la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), compétente en la matière.

"Les fournisseurs estiment que ces pénalités constituent un moyen pour les distributeurs d'augmenter artificiellement leurs marges en facturant des montants de pénalités sans commune mesure avec la réalité du préjudice subi", indiquait le ministre de l'Agriculture lors de sa saisine de la commission.

Dans son avis rendu public jeudi sous forme de guide des bonnes pratiques, la CEPC recommande de prohiber toute déduction d'office des pénalités et souhaite que les pénalités encourues tiennent compte de la particularité de la marchandise visée.

En clair, les taux de sanctions ne devront pas être les mêmes si l'objet du litige est un camion de bouteilles d'alcool valant plusieurs centaines de milliers d'euros ou une cargaison de papier hygiénique d'une valeur beaucoup plus modeste. Les taux appliqués devront être discutés à l'avance.

"Sur des produits frais qu'il est difficile de stocker, c'est normal d'avoir un niveau de pénalité élevé, ou sur un produit promotionnel, s'il n'est pas mis en rayon, le distributeur a un risque pénal parce qu'il ne l'aura pas mis à disposition du consommateur", souligne Valérie Weil-Lancry, directrice juridique à l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) qui regroupe 17.000 entreprises agroalimentaires.

"Mais sur un produit d'épicerie, comme les pâtes par exemple qui ont des dates de consommation beaucoup plus longues, il n'est pas normal que le montant de pénalité soit le même que sur un produit frais (...)", ajoute-t-elle.

De même, les sanctions pour retard devront faire l'objet d'une concertation. "Désormais, le principe du respect des horaires de livraison doit faire l'objet d'une tolérance dans l'évaluation des écarts constatés (...)", recommande la CEPC.

Certains distributeurs infligeraient des pénalités dès la première demi-heure de retard.

Les négociations entre distributeurs et producteurs sont déjà en cours et il n'est donc pas certain que ces bonnes pratiques soient mises en oeuvre dès 2019, mais les fournisseurs ont bon espoir qu'elle le soient pour 2020. (Danielle Rouquié, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : Carrefour, Casino Guichard-Perrachon