Le spécialiste des solutions freemium B2C n’a pas échappé au récent krach. Malgré une croissance continue depuis sa prise en main par Pierre Cesarini, il peine à convaincre les investisseurs qui ne valorisent l’affaire que la moitié de son chiffre d’affaires. Nous avons essayé de mieux comprendre les causes de cette situation à l’occasion d’un entretien.

Pierre Cesarini, quelles sont les conséquences de la crise sanitaire et économique sur chacune de vos activités ?

"Sur le pôle Impression Mobile, l’impact Covid est limité, car les gens passent plus de temps en ligne. De plus avec le confinement, le coût d’acquisition est abaissé par une réduction globale des dépenses de marketing, réduisant de fait le phénomène de surenchère, notamment sur les mots clés. Notre modèle économique freemium correspond bien au mode de consommation actuel et nous apporte de plus en plus de récurrence, nous sommes donc globalement sereins. Cela ne nous empêche pas de connaitre quelques effets adverses, notamment aux Etats-Unis. En effet, nous y subissons l’annulation des traditionnelles remises de diplômes qui représentent quelques millions d’euros pour nous, et la fermeture de fin mars à mi-mai de notre usine qui emploie un peu plus de 60 personnes dans l’Illinois. Je rappelle que nous faisons fabriquer 90% de nos produits de l’activité de personnalisation de cadeaux dans cette usine qui est l’héritage de notre acquisition en 2019 de la société Personnal Creations.

Sur le pôle édition de logiciels freemium B2C, nous poursuivons également sans encombre notre bascule d’un modèle de licence à un modèle SaaS qui étale la reconnaissance de chiffre d’affaires et donc ralentit notre croissance, mais qui nous offre une récurrence croissante des revenus. Nous sommes ainsi passés à 46% de récurrence sur le 3e trimestre, contre 42% au S1. Pendant la période du confinement, nous avons même constaté une forte augmentation des téléchargements de nos logiciels.

Enfin, sur le pôle IOT où notre plateforme technologique myDevices connecte les objets pour simplifier la gestion des actifs des entreprises, nous sommes toujours dans une phase de construction, de test, et de début de déploiement commercial. Certains débouchés comme l’hôtellerie sont en standby, mais nous en avons profité pour développer des solutions de maintenance préventive, par exemple de turbines comme chez Veolia à Angers."

Cours depuis le 1er janvier

Cours de l’action Claranova depuis le 1er janvier 2020

Avez-vous engagé un plan d’économie ou coupé des investissements ?

"Pas vraiment. A part la réduction des coûts marketing dont nous avons bénéficié et que nous avons évoqué précédemment, nous avons maintenu toutes nos charges de personnel. Notre BFR structurellement négatif est peu consommateur de cash-flow et nous incite à maintenir une dynamique de croissance. »

Source : publication du CA 9 mois de Claranova

Source : publication du CA 9 mois de Claranova

Voyez-vous des tendances à moyen long terme accélérer avec la crise sanitaire ?

"Le télétravail sera plus courant chez nous comme ailleurs puisque nous n’avons pas constaté de perte de productivité. L’IOT pourrait aller un peu plus vite, ouvrant d’autres débouchés à notre système de détresse déjà déployés dans les hôtels, ou à la maintenance préventive comme dans les usines de traitement d’eau, certaines turbines étant tombées en panne à cause des gants médicaux qui sont retrouvés dans les réseaux d’eaux usées."

Malgré des prévisions annuelles fortement abaissées, le consensus des analystes s’attend à voir Claranova réaliser ses premiers euros de bénéfices en 2019/20. Qu’en pensez-vous ?

"Nous ne communiquons pas de prévisions et comme ce n’est pas une information publique, je ne peux pas malheureusement vous répondre de manière détaillée. Je rappelle que la plupart des activités de Claranova n’existaient pas au moment de sa recapitalisation à hauteur de 30 M€ il y a quatre ans et que nous dépassons aujourd’hui les 300 M€ de CA sur les 9 premiers mois de l’exercice en cours. Notre résultat opérationnel semestriel est clairement dans le vert et reste sur la trajectoire qui mènera le Groupe à 700 M€ de CA avec une marge opérationnelle de plus de 10% à moyen terme. Il n’y a pas de raison que le résultat net ne suive pas cette tendance ."

Source : rapport annuel de Claranova

Source : rapport annuel de Claranova

Dans quelle mesure êtes-vous personnellement intéressé au succès de Claranova et de ses filiales ?

"Comme tous les managers - mais de façon plus significative car j’ai investi un montant important à titre personnel en 2015- je touche une rémunération fixe et variable selon la performance de mon périmètre d’action, à savoir le Groupe dans son ensemble, alors que les managers sont intéressés au niveau de chacune des filiales qu’ils dirigent."

Le Groupe, compte tenu de sa taille, présente un profil complexe pour les investisseurs. Une réflexion sur sa clarification est-elle envisagée ?

"Au-delà de la structure dont nous avons hérité il y a quatre ans, un groupe de technologie est naturellement appelé à se diversifier pour s’assurer des relais de croissance. Nous avons fait dès le départ le choix de développer trois activités en parallèle pour réduire les risques et augmenter le nombre d’opportunités. Le rythme et le modèle d’affaires de chaque pôle étant différent, nous avons fait entrer dans chacun les minoritaires adéquats. A mon sens, cette diversification justifie une prime plutôt qu’une décote de valorisation, ce que les investisseurs et analystes ont parfois du mal à comprendre en France, à la différence des Etats-Unis."

Envisagez-vous une cotation au Nasdaq ?

"Il est clair que compte tenu de notre dynamique de croissance et de la récurrence croissante de notre activité, notre valorisation serait toute autre outre-Atlantique. Il est cependant trop tôt pour se lancer dans une double cotation : nous n’avons que quatre ans d’existence en tant que Claranova et le cash-flow que l’on génère nous permet d’autofinancer la croissance. La question se posera probablement dans quelques années, quand nous ferons 700 M€ à 1 milliard de CA avec 10 à 15% de résultat opérationnel. Mais j’ai bon espoir que si nous devions y être, un tout autre niveau de valorisation s’imposera. Au passage, je remarquerais qu’il y a un vrai problème de valorisation des valeurs technologiques en Bourse en France, ce qui prive les sociétés technologiques non cotées très fortement valorisées d’un relais boursier nécessaire à l’émergence d’un géant français de la technologie."

Quels sont les projets sur lesquels travaille le Groupe en matière d’ESG ?

"Nos solutions IoT améliorent la sécurité des personnes et l’impact environnemental de certaines activités. Je pense par exemple à ce client canadien en charge du salage des routes : nous avons équipé les lampadaires d’une province du Canada de capteurs capables d’analyser la température au sol, permettant de réduire par deux la dose de sel qui finira dans la nature.

Avec nos filiales situées partout dans le monde cela fait des années que nous privilégions les visioconférences et limitons nos déplacements en avion. Notre parc de voitures de fonction a été réduit et est en passe de devenir 100% électrique ou hybride.

Société Tech, nous sommes fiers d'avoir une répartition collaborateurs hommes femmes 60/40% et même une parité de 50% hommes femmes au Conseil d’Administration, bien avant l'arrivée de la loi PACTE. Avec le confinement nous avons mis tous nos collaborateurs au télétravail en quelques heures car les outils étaient déjà largement mis en place. Nous donnons en effet aux collaborateurs de la souplesse dans la gestion de leur temps afin de mieux concilier vie privée/professionnelle et temps de transport."

Organigramme du groupe au 31/12/2019

Organigramme du groupe au 31/12/2019