Zurich (awp) - Après plus de dix ans de rumeurs, spéculations et tergiversations, le chimiste de spécialités Clariant a finalement annoncé sa fusion avec son homologue américain Huntsman. La transaction, dont la finalisation est attendue d'ici la fin de l'année, devrait déboucher sur la création d'un nouveau géant du secteur. Les investisseurs applaudissent des deux mains, alors que certains analystes voient dans l'opération une manière pour Clariant de se prémunir contre une OPA hostile.

La nouvelle entité, qui opérera sous le nom de HuntsmanClariant, présentera un chiffre d'affaires pro forma - y compris 400 mio USD de synergies de coûts et ajusté pour Venator - de 13,2 mrd USD, un excédent brut d'exploitation (Ebitda) de 2,3 mrd et une valeur d'entreprise de près de 20 mrd, ont indiqué les deux partenaires lundi dans un communiqué.

Elle sera dirigée par l'actuel directeur général (CEO) de Huntsman, Peter Huntsman, alors que le patron de Clariant, Hariolf Kottmann, prendra la présidence du conseil d'administration. Les titres du nouveau groupe seront cotés simultanément à Zurich et à Wall Street.

Les actionnaires de Huntsman se verront offrir 1,2196 action HuntsmanClariant par titre détenu, alors que pour ceux de Clariant un taux de conversion de 1:1 est prévu. A l'issue de l'opération, la participation des Bâlois dans le groupe fusionné devrait être de 52% et celle des Texans de 48%, précise le communiqué.

Dans l'attente de l'approbation des autorités de la concurrence et de leurs actionnaires respectifs, le rapprochement des deux colosses du secteur a d'ores reçu un préavis favorable des conseils d'administration. La Suisse abritera le siège du groupe et les Etats-Unis la direction des opérations.

TAILLE CRITIQUE

Peter Huntsman voit une indéniable "logique industrielle" dans l'opération et prédit déjà à HuntsmanClariant une croissance supérieure à celle de la moyenne du marché. Face aux médias, il a indiqué qu'il est encore trop tôt pour identifier les possibles doublons entre les deux entreprises, mais a précisé que la transaction ne comprend pas de fermeture de site.

Aucune suppression de poste n'est prévue en Suisse, selon le CEO de Clariant. Il n'y aura pas de doublons, les activités des deux entreprises sont complémentaires, a-t-il précisé au cours d'une interview accordée à AWP Vidéo.

Evoquant le phénomène de consolidation que connaît actuellement le secteur, il a insisté sur la pression qui pèse sur l'entreprise, qui à elle seule n'aurait pas atteint une taille critique, même moyennant des acquisitions.

En termes concrets, M. Kottmann avance le chiffre de 400 mio USD d'économies. Celles-ci devraient être réalisées par des synergies dans les achats, la production et les programmes d'efficience.

La plateforme technologique de HuntsmanClariant va apporter un meilleur retour aux actionnaires. Selon M. Kottmann, plusieurs actionnaires de référence de Clariant se seraient d'ailleurs déjà exprimés en faveur de la transaction. La nouvelle entreprise devrait générer un flux de trésorerie important et disposera d'un bilan solide.

Le groupe de Muttenz fait figure depuis des années de candidat potentiel à une reprise. En mars, la machine à rumeurs tournait à plein régime concernant un rapprochement avec son homologue texan. Mais les pourparlers n'avaient pas abouti, les deux groupes n'ayant apparemment pas réussi à se mettre d'accord sur qui présiderait au destin du groupe, une fois fusionné.

Selon Reuters, Huntsman aurait exigé la vente de la plus importante division de Clariant, ce qui lui aurait conféré un rôle dominant après la consommation du mariage. Les deux partenaires indiquent aujourd'hui que la division Plastique et revêtements sera "partie intégrante" de la nouvelle entité.

De son côté, Huntsman entend poursuivre comme prévu son projet d'introduction en Bourse (IPO) de ses activités de Pigments et additifs (Venator) à l'été 2017.

ÉVITER UNE OPA HOSTILE

Dans le contexte de consolidation actuel, la transaction fait sens et a été encensée par la communauté financière, mais certains s'étonnent de la faiblesse des points de tangence des activités pour une fusion de cette ampleur. Baader Helvea voit dans l'annonce de ce rapprochement une stratégie défensive de Clariant, destinée à se prémunir contre une OPA hostile.

Le courtier genevois en veut pour preuve des synergies sensiblement inférieures à celles observées lors d'autres méga-transactions. Selon lui, l'annonce de la fusion risque au contraire de faire sortir du bois d'autres potentiels acquéreurs susceptibles de faire grimper les enchères, auquel cas il prédit une envolée du cours de Clariant au-delà des 30 CHF.

Pour Vontobel, la fusion devrait permettre à Clariant de renforcer sa présence dans les marchés cruciaux que sont les Etats-Unis et la Chine. Même son de cloche du côté de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), qui relève que les 400 mio USD de synergies visées correspondent à près de 3% du chiffre d'affaires annuel du groupe fusionné.

La nominative Clariant a pris lundi 3,5% à 21,59 CHF, dans un SLI en hausse de 0,65%.

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