Le groupe de luxe, également propriétaire de Saint Laurent, Balenciaga ou Boucheron, a vu ses ventes grimper de 29,4% à taux de changes constants en 2018, après une envolée de 34% en 2017, tandis que son résultat opérationnel courant a bondi de 47% à 3,94 milliards d'euros et sa marge de 4,0 points à 28,9%.

Cette performance a été largement tirée par la locomotive Gucci, qui pulvérise tous ses records. Ses ventes ont encore décollé de 37% l'an dernier sur des bases de comparaison déjà très élevées (elles avaient bondi de 45% en 2017) et ont franchi les 8,0 milliards de chiffre d'affaires à 8,3 milliards d'euros.

Sa rentabilité a quant à elle grimpé de 5,3 points pour atteindre 39,5%, là aussi un record pour la marque.

Sur le seul quatrième trimestre, Gucci a toutefois légèrement ralenti le pas, avec une progression de 28% après une hausse de 35% au trimestre précédent, conformément aux attentes.

Elle continue de gagner des parts de marché, a considérablement rajeuni sa clientèle (les "millennials" représentent la moitié de ses ventes) et ses ventes en ligne ont grimpé de 70% pour représenter 6% de son chiffre d'affaires.

Gucci laisse loin derrière les meilleurs élèves du secteur comme Louis Vuitton, propriété de LVMH dont les ventes ont progressé d'environ 14%, ou Hermès qui a vu sa croissance atteindre 10,4%.

Après une telle trajectoire, la marque qui pèse maintenant pour 83% des résultats du groupe est en avance sur son plan stratégique de juin 2018, qui visait le cap des 10 milliards d'euros à moyen terme et une rentabilité opérationnelle de 40%.

"Gucci a bien démarré l'année 2019", a précisé le PDG du groupe, François-Henri Pinault, évoquant des tendances semblables à celles du 4e trimestre. "Et l'ambition est intacte de faire deux fois mieux que le marché du luxe", dont la progression est estimée entre 5% et 6% en 2019, a-t-il ajouté.

LEVIERS DE CROISSANCE

Ces prévisions sur Gucci jugées rassurantes par les analystes ont permis au titre Kering de se retourner en cours de séance. La valeur prenait 2,6% à 462,7 euros à 15h35, après une ouverture en baisse de plus de 3%, alors que le CAC 40 gagnait 0,93% au même moment.

Compte-tenu du poids de la marque dans les résultats, l'évolution d'une croissance destinée à se "normaliser" reste au centre des préoccupations des investisseurs.

Or Gucci dispose encore, selon le PDG de Kering, d'importants leviers de croissance, avec la réduction des délais de mise sur le marché des produits, l'amélioration des "taux de conversion" dans les magasins - dont moins de la moitié seulement ont été rénovés - ou bien encore avec des produits encore plus haut de gamme, vendus plus chers.

Elle a aussi d'importantes marges de progression dans le commerce en ligne, notamment en Chine, le "travel retail" et le parfum.

Les ventes des premiers "jus" signés du designer Alessandro Michele et fabriqués sous licence par l'américain Coty atteignent "seulement" 400 millions d'euros, un chiffre jugé peu satisfaisant par François-Henri Pinault pour qui la marque a vocation à faire "beaucoup mieux" dans ce domaine.

Une gamme de cosmétiques est aussi prévue courant 2019.

PAS DE RALENTISSEMENT EN CHINE

Comme son concurrent LVMH, Kering a déjoué les craintes de ralentissement du crucial moteur chinois, liées au tassement de la croissance économique du pays en fin d'année et au conflit commercial avec les Etats-Unis.

"Les ventes sont restées extrêmement dynamiques auprès de la clientèle chinoise au quatrième trimestre, il n'y a pas eu de ralentissement", a déclaré à la presse Jean-Marc Duplaix, directeur financier du groupe.

Il a précisé que l'impact du mouvement des "Gilets jaunes" en France avait été "réel", sans toutefois le quantifier.

Balenciaga, nouvelle pépite du groupe, a frôlé le milliard d'euros de ventes et franchira "sensiblement" ce cap cette année tandis que Saint Laurent a encore engrangé une progression de 19%, après une hausse de plus de 20% pendant sept années d'affilée.

A l'inverse, Bottega Veneta finit l'année en baisse de 3,4%. La relance de la griffe, qui a confié à un jeune directeur artistique le soin de conquérir une clientèle plus jeune, n'est pas attendue avant le second semestre 2019.

En Bourse, les multiples de valorisation de Kering ressortent à 18,10 fois les résultats estimés pour 2020, à comparer à des ratios de 19,26 pour LVMH ou 22,43 pour Burberry, un écart qui s'explique, selon Exane BNP Paribas, par la question de la future croissance de Gucci.

L'enquête fiscale en cours en Italie concernant Gucci et LGI, filiale suisse de Kering, a aussi récemment pesé, selon certains analystes, sur le cours de Bourse.

Un audit du fisc italien a chiffré à 1,4 milliard d'euros les impôts que Gucci aurait dû payer en Italie, somme que conteste Kering, sur le fond comme sur le montant.

Les négociations entre Kering et le fisc italien pourraient maintenant durer plusieurs mois, selon une source proche de l'enquête, tandis que le PDG de Kering a dit s'attendre à ce que le dossier soit bouclé "dans le courant de l'année".

Les ventes de Kering ont totalisé 13,66 milliards d'euros en 2018, un chiffre proche des 13,63 milliards du consensus Infront Data pour Reuters, le résultat net part du groupe a été multiplié par deux à 3,71 milliards et le dividende proposé a été relevé de 75% à 10,5 euros par action.

(Avec Emilio Parodi à Milan, édité par Gilles Guillaume, Benoît Van Overstraeten et Bertrand Boucey)

par Pascale Denis