Or, le temps presse, car les perspectives économiques naviguent dans un épais brouillard. Nous tairons cette semaine le peu de lisibilité des négociations du Brexit tant les documents qui circulent entre Teresa May et Bruxelles en deviennent abscons. Evidemment nul n'est censé ignoré la loi ni son esprit, mais bien peu de citoyens européens parviennent à comprendre ce qui est susceptible de régir leur vie quotidienne dans les mois qui viennent. Les réformes sont parfois d'ordre majuscule, mais tout ce qui n'est pas expliqué, intelligible, lasse les populations, inquiète les opinions et excite les réactions primaires propres à alourdir le poids du populisme dans l'expression démocratique du vote.

Prenons par exemple l'éditorial de Laurent Joffrin dans Libération consacré à la situation italienne. En titrant « Les bouffons de Rome », le journaliste voulait placer en regard les paroles et les actes du gouvernement italien : « Somnambulisme du souverainisme… Depuis des semaines, les dirigeants italiens n'ont cessé d'insulter l'Union européenne, qui leur reprochait de ne pas tenir les engagements budgétaires de l'Italie. On allait voir ce qu'on allait voir, la Commission irait se faire voir, l'Italie ferait ce qu'elle veut de son budget. Dans une bouffonnerie très commedia dell'arte, le gouvernement italien vient de changer soudain de langage : oui, nous allons négocier, oui, nous ferons un effort de sagesse financière, oui, nous pouvons reporter certaines dépenses, etc. Un nouvel effet de la tyrannie bruxelloise qui oblige les peuples à passer sous ses fourches caudines ? Pas vraiment : Bruxelles a tempêté, agité la menace de sanctions, mais ces sanctions, outre qu'elles sont légères, demandent un long temps de maturation avant d'entrer en vigueur. Non : le gouvernement italien, qui avançait jusqu'à présent les yeux fermés, vient de heurter le mur de la réalité. Lourdement endetté, le pays doit se refinancer régulièrement auprès de ses prêteurs. Or la dernière émission d'obligations (procédure habituelle destinée à boucher les trous des finances publiques) s'est mal passée. Non seulement les taux consentis à l'Etat italien remontent, mais surtout les épargnants italiens (et non les marchés new-yorkais) rechignent désormais à financer leur propre Etat. Diable ! ».

Voilà qui nous rappelle l'épisode hellène lorsque Aléxis Tsípras s'était retrouvé devant le même dilemme au plus fort de la crise grecque : s'il envoyait Bruxelles sur les roses, il se retrouvait en conflit direct avec les créanciers internationaux, encore moins accommodants que l'Union. C'est le talon d'Achille des politiques trop dispendieuses : quand on emprunte, on se met dans la main des créanciers, qui veulent revoir leur argent.

Et Laurent Joffrin d'ajouter : « Le somnambule se réveille et s'aperçoit qu'il marche au bord du toit. Ainsi font les nationalistes à leur arrivée au pouvoir : ils se font élire en vitupérant l'Europe et constatent, une fois aux affaires, qu'ils ne peuvent pas faire sans elle. C'est la raison pour laquelle le Brexit où s'est embourbé le Royaume-Uni depuis deux ans n'a fait aucun émule en Europe, même parmi les leaders les plus populistes. L'Union, comme la démocratie churchillienne, est la pire des solutions. A l'exception de toutes les autres ».

En France, c'est l'hebdomadaire Le Point qui pose toutes les questions liées au réformisme macronien et à sa méthode : « Emmanuel Macron est-il le Thatcher français ou en voie de hollandisation ? ». L'enquête publiée par le magazine assure que beaucoup de réformes ont été engagées, mais souligne que d'autres sont nécessaires malgré le mécontentement. Alors comment faire ? Que dire à ses concitoyens pour tracer une route claire sans générer de l'inquiétude ?

La méforme de la réforme est un fait établi, les peuples européens réclament des explications et un dessein collectif. Luc de Barochez toujours dans les mêmes colonnes du Point affirmait dans une chronique que « l'amitié franco-allemande reste trop timide dans les réponses qu'elle apporte à l'éclairage du devenir européen ». Inflation, croissance hésitante, guerre économique, l'Europe semble réclamer plus de protection, plus de pédagogie, les peuples du vieux continent veulent comprendre le présent pour mieux envisager leur avenir. Il faut donc urgemment réformer l'esprit des réformes !

Christian Moguérou

La Sté Crédit Agricole SA a publié ce contenu, le 29 novembre 2018, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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