PARIS (Agefi-Dow Jones)--Philippe Brassac, directeur général de Crédit Agricole SA, explique sa nouvelle vision de la banque au quotidien.

-L'Agefi : Vous lancez une offre mobile. Est-ce pour défendre vos positions face aux néo-banques ?

Nous lançons EKO. Cette offre permet aux clients de disposer d'une carte, d'une appli et de l'agence de leur choix tout en ayant accès à l'ensemble des produits et services du groupe s'ils le souhaitent. Elle s'adresse à tous et correspond à la première étape d'une nouvelle vision de la banque au quotidien. Elle répond à une demande de simplicité, de maîtrise du budget et de transparence avec une véritable innovation : un forfait à 2 euros par mois. Par exemple, EKO n'offre pas de découvert. C'est un service. Et rien n'est jamais gratuit. L'objectif des caisses régionales est d'enregistrer 500.000 clients EKO.

-L'Agefi : Le cœur de votre modèle, la banque de détail en France, va-t-il continuer à perdre en rentabilité ?

La banque de détail en France a bien résisté malgré la grosse vague de renégociations des crédits immobiliers. Ce mouvement est maintenant achevé. Quant à la rentabilité actuelle, elle s'inscrit dans notre PMT (plan à moyen terme, ndlr). Fin 2019, le retour sur capitaux normatifs pour LCL est attendu à 16%. Il est aujourd'hui de 12,6%. Tandis que le retour sur capitaux propres tangibles de CASA (Crédit Agricole SA, ndlr) s'élève à 11,5% grâce à la diversité de nos activités.

-L'Agefi : Vos résultats trimestriels ont été mal perçus. Pourquoi ?

Les marchés ont compris nos résultats. Mais si l'on considère le résultat net part du groupe (RNPG) publié pour CASA au troisième trimestre, il apparaît en baisse de 42,8% par rapport au troisième trimestre de 2016. C'est oublier à cette date une plus-value exceptionnelle de 1,27 milliard d'euros pour Euréka, qui a permis, par la cession de la participation de CASA dans les caisses régionales (25%), une simplification des structures du groupe. Retraité des éléments spécifiques, le RNPG du dernier trimestre est très bon. Le groupe Crédit Agricole a également affiché un résultat sur les neuf premiers mois de 2017 supérieur à celui de toute l'année 2016.

-L'Agefi : Dans ces exceptionnels, il y a la vente de 16,2% de la Banque Saudi Fransi (>> Bear State Financial Inc). Vous deviez céder 5% de plus. Cela ne s'est pas fait. Est-ce lié à votre acheteur, le prince Al-Walid Ben Talal, qui a été arrêté ?

Nous voulions déconsolider BSF dont nous détenions 31,1%, puis abaisser notre participation à 15%/10%. La seconde étape n'a pas eu lieu. Cela n'est pas lié au contexte local. Il y avait une échéance qui est passée.

-L'Agefi : Toujours parmi les exceptionnels, il y a des acquisitions plus importantes que ce que laissait supposer votre PMT. Comment les interpréter ?

Notre PMT à échéance fin 2019 prévoyait des acquisitions en gestion d'actifs et en banque privée. Acquis pour 3,5 milliards d'euros, Pioneer a permis une forte augmentation de la contribution d'Amundi aux résultats du groupe. Son intégration sera achevée d'ici à la fin de l'année. Par ailleurs, Indosuez Wealth Management acquiert 67,67% de Banca Leonardo (5,9 milliards d'euros d'actifs) afin de se renforcer sur le marché italien. Il s'est en revanche retiré de pays qui ne pratiquaient pas l'échange automatique d'informations. Nous avons également décidé de renforcer notre modèle de banque universelle de proximité en Italie avec trois caisses d'épargne (Cesena, Rimini et San Miniato) alors qu'elles ont été nettoyées au préalable de leurs mauvaises créances et recapitalisées par l'Etat.

-L'Agefi : Quel est maintenant le poids de l'Italie pour le groupe ?

Avec cette acquisition en banque de détail, Crédit Agricole Italia (ex-Cariparma, NDLR) compte 2 millions de clients et a gagné un point de part de marché, pour atteindre 4% en moyenne et plus de 10% en Emilie Romagne. Tous métiers confondus, l'Italie représente désormais 12% des résultats des métiers du groupe.

-L'Agefi : Imaginez-vous d'autres opérations transfrontières ? On vous a cité pour Commerzbank.

On nous a cités à tort. Sauf changement de paradigme, nous n'envisageons aucune acquisition importante en Allemagne - de même qu'en Italie. A ce stade, la Banque centrale européenne et le mécanisme de surveillance unique prêchent dans le sens d'une consolidation, mais il n'y a pas de véritable Union bancaire au regard des contraintes de solvabilité et de liquidité par pays. Les autorités doivent être claires : veulent-elles des grandes banques en Europe ou des grandes banques européennes ?

-L'Agefi : Les présidents du Crédit Agricole, Dominique Lefebvre, du Crédit Mutuel et de BPCE, ont publiquement qualifié l'augmentation exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés d'injustice flagrante. Pourquoi ?

Nous comprenons que l'Etat ait besoin de trouver 5 milliards d'euros après que le conseil constitutionnel a annulé la taxe sur les dividendes qui le contraint à rembourser 10 milliards. Mais dans le nouveau schéma, trois groupes coopératifs et mutualistes vont payer à eux seuls, et plus ou moins en trois tiers, un milliard parce qu'ils préfèrent investir en France et y créer des emplois.


 
   Propos recueillis par Alexandre Garabedian, Sylvie Guyony, Philippe Mudry, L'Agefi   ed: VLV 
 

L'Agefi est propriétaire de l'agence Agefi-Dow Jones.

Valeurs citées dans l'article : Bear State Financial Inc