Les électeurs suisses doivent se prononcer le 10 juin dans le cadre d'un référendum d'initiative populaire pour ou contre le passage de la Suisse à un système donnant à la Banque nationale suisse (BNS) le monopole de la création monétaire. Un vote positif, en ôtant aux banques le pouvoir de créer de la monnaie, freinerait drastiquement leur capacité à distribuer des prêts.

Selon les sondages d'opinion, l'initiative "monnaie pleine" ne passera pas: seulement un tiers de la population appelée à voter soutient ce projet, qualifié de "cocktail dangereux" par le gouverneur de la BNS, Thomas Jordan. Mais avec 10% d'indécis, les craintes d'un choc de type Brexit restent présentes.

Si l'initiative était adoptée, les banques ne pourraient prêter que l'argent qu'elles gèrent dans les comptes d'épargne et celui qu'elles pourraient obtenir à un coût relativement élevé sur les marchés monétaires et auprès de la BNS, et la capacité d'intervention de la BNS sur le marché des changes serait entravée.

Cela déboucherait sur une volatilité accrue du franc suisse, probablement à la hausse pour une devise déjà considérée comme une valeur refuge, et pénaliserait les bénéfices des banques comme UBS et Credit Suisse.

Les partisans du "oui" disent que la réforme rendrait le système bancaire plus sûr en lui retirant le pouvoir de créer de la monnaie et réduirait le risque de crises financières.

"On n'a pas vu de système bancaire de ce type depuis longtemps", souligne Neil Weller, responsable de la stratégie devises chez JP Morgan Asset Management à Londres. "Le référendum créerait également beaucoup d'incertitude sur les actifs suisses, y compris sur les actions et les obligations."

Pour s'y préparer, certains traders mettent en place des stratégies de couverture des risques extrêmes, en s'assurant contre des corrections sur les marchés via des options de vente sur les actions et sur le marché des changes. Une option de vente permet à son détenteur de vendre un montant spécifique d'un actif à un prix fixé à l'avance. Elle permet donc de compenser d'éventuelles pertes de la valeur de l'actif lui-même.

Les actions bancaires devraient reculer si l'initiative "monnaie pleine" passait, ce qui augmenterait la valeur des options.

Les titres UBS et Credit Suisse ont chuté au mois de mai, partiellement dans la crainte d'un effet de contagion de la crise politique en Italie, mais aussi à cause de ce référendum.

Le choc serait d'autant plus important que la taille du système bancaire suisse est deux fois plus importante que l'économie du pays.

Mais c'est le marché des changes, sur lequel la BNS intervient régulièrement afin d'éviter une trop forte appréciation du franc en période de crise, qui devrait subir le plus lourd impact. Une victoire du "oui" "réduirait fortement la capacité de la BNS à intervenir (...) et créerait une pression à la hausse sur le franc", note Neil Weller de JPM AM.

(Avec Michael Shields à Zurich et Alasdair Pal à Londres; graphique par Ritvik Carvalho, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Saikat Chatterjee

Valeurs citées dans l'article : Credit Suisse Group, UBS Group