* Mike Pompeo a rencontré le roi Salman et "MBS"

* Donald Trump évoque la thèse de "tueurs incontrôlés"

* Nouvelles défections pour le "Davos du désert" (Ajoute communiqué des ministres du G7 au paragraphe 13)

par Leah Millis et Lisa Lambert

WASHINGTON/RYAD, 17 octobre (Reuters) - Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, dépêché à Ryad par le président américain Donald Trump à la suite de la disparition du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi, a déclaré mardi que les dirigeants saoudiens ont promis une enquête approfondie sur cette disparition.

Jamal Khashoggi, qui s'est exilé aux Etats-Unis il y a un an, s'est rendu le 2 octobre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul et n'a plus donné de nouvelles depuis lors. Sa fiancée, Hatice Cengiz, assure qu'il n'est pas ressorti du consulat.

Selon des sources proches des services de sécurité turcs, le journaliste a été tué à l'intérieur du consulat par une équipe d'une quinzaine de Saoudiens qui ont regagné le jour même leur pays.

Mike Pompeo a rencontré mardi le roi Salman d'Arabie saoudite, le prince héritier Mohamed ben Salman et le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al Djoubeïr.

"A chacune des réunions aujourd'hui, les dirigeants saoudiens ont fermement nié avoir connaissance de ce qu'il s'est passé dans leur consulat à Istanbul", a dit le chef de la diplomatie dans un communiqué transmis depuis l'Arabie saoudite.

"Il y a une réelle volonté de déterminer ce qu'il s'est passé et de poursuivre les coupables, y compris d'éventuels coupables parmi les hauts dirigeants ou les haut représentants d'Arabie saoudite", a-t-il ajouté à propos de la teneur de ces réunions.

Mike Pompeo et le prince héritier Mohamed ben Salman, surnommé "MBS", ont souligné la nécessité de mener une enquête approfondie et transparente, a dit un peu plus tôt la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert. Mike Pompeo a également insisté sur la volonté de Donald Trump de savoir ce qui s'est passé, a-t-elle ajouté.

Mike Pompeo va se rendre mercredi à Ankara pour informer la Turquie des éléments qu'il a pu recueillir sur la disparition du journaliste, a précisé Heather Nauert.

Le président Donald Trump, après s'être entretenu au téléphone lundi avec le roi Salman, a évoqué la thèse de "tueurs incontrôlés" ("rogue killers").

"Des réponses vont vite arriver", a dit mardi sur Twitter le président américain après s'être entretenu avec le prince héritier "MBS".

Dans une interview à l'agence Associated Press plus tard dans la journée, Donald Trump a estimé que Ryad avait droit à la présomption d'innocence.

"Voilà encore un cas où l'on est coupable jusqu'à preuve du contraire", a-t-il dit, une formule qu'il avait déjà utilisée à propos de la nomination à la Cour suprême américaine de Brett Kavanaugh, accusé d'agression sexuelle par plusieurs femmes.

"SUBSTANCES TOXIQUES"

Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont dit dans un communiqué, publié dans la nuit de mardi à mercredi, être encore "très troublés" par la disparition de Khashoggi et attendre de Ryad qu'il mène une "comme annoncé une enquête approfondue, crédible, transparente et rapide".

Selon CNN et le New York Times, qui citent des sources non identifiées, Ryad s'apprêterait à reconnaître que Khashoggi a été tué lors d'un interrogatoire qui a mal tourné.

Le New York Times affirme que Mohamed ben Salman avait au départ approuvé un plan prévoyant d'interroger, voir d'enlever le journaliste.

A Washington, le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche de Donald Trump, a accusé le prince héritier, selon lui "un personnage nuisible", d'avoir ordonné l'assassinat de Khashoggi.

Un haut fonctionnaire et un membre de la police turque qui ont requis l'anonymat ont affirmé lundi qu'Ankara disposait d'un enregistrement sonore démontrant que Khashoggi a bien été assassiné.

Dans la nuit de lundi à mardi, une dizaine d'enquêteurs turcs ont cherché des indices à l'intérieur du consulat. La perquisition a duré plus de neuf heures.

Des prélèvements de terre effectués dans le jardin du consulat et sur une porte métallique ont été emportés à bord de véhicules de la police scientifique.

Selon le président turc Recep Tayyip Erdogan, certaines choses auraient été soustraites aux recherches menées par la police à l'intérieur du consulat.

"L'enquête s'oriente vers de nombreuses pistes, comme l'utilisation de substances toxiques, et ces choses auraient ensuite été dissimulées et soustraites", a-t-il dit à des journalistes.

Les proches de Jamal Khashoggi ont demandé la formation d'une commission d'enquête internationale.

L'affaire a provoqué une onde de choc à travers le monde.

Les dirigeants des banques HSBC, Standard Chartered et Credit Suisse ont annoncé à leur tour mardi qu'ils ne se rendraient pas au "Davos du désert", une conférence internationale sur l'investissement qui aura lieu du 23 au 25 octobre à Ryad. (Avec Lesley Wroughton à Washington, Yesim Dikmen et Sarah Dadouch à Istanbul, Orhan Coskun et Ece Toksabay à Ankara, John Revill à Bâle, Oliver Hirt à Zurich, Lawrence White à Londres, Stephanie Nebehay à Genève; Henri-Pierre André, Jean-Philippe Lefief, Arthur Connan, Guy Kerivel et Jean Terzian pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Credit Suisse Group, HSBC Holdings, Standard Chartered