Zurich (awp) - Après les révélations sur l'affaire Iqbal Khan, Credit Suisse a été forcé d'admettre un nouveau cas de filature. La banque a fait surveiller l'ancien directeur des ressources humaines et membre de la direction Peter Goerke.

Le directeur général Tidjane Thiam et le conseil d'administration n'étaient pas au courant de cette nouvelle affaire, selon les conclusions d'une deuxième enquête indépendante menée par le cabinet d'avocats Homburger publiées lundi par la banque.

M. Goerke, alors directeur des ressources humaines et membre de la direction, a été surveillé par une société tierce en février, juste avant de quitter l'entreprise. Après le scandale de la filature du banquier vedette Iqbal Khan, qui a éclaté en septembre, il s'agit du deuxième cas de surveillance confirmé par la banque. Cette annonce intervient malgré ses affirmations précédentes, qui qualifiaient de "cas unique" l'affaire Khan.

Diligentée par Credit Suisse, la première enquête, dont les conclusions ont été rendues publiques début octobre, était passée à côté de ce deuxième cas de surveillance. Les soupçons planaient toutefois depuis la semaine dernière, après un article du journal zurichois NZZ.

L'ancien directeur des opérations, Pierre-Olivier Bouée, déjà mis en cause dans l'affaire Iqbal Khan, a été désigné comme étant responsable de cette deuxième filature, selon le communiqué. Il a été licencié avec effet immédiat, indique Credit Suisse, bien que l'intéressé avait déjà annoncé sa démission suite à l'affaire Khan.

Selon le Sonntagszeitung, il risque de devoir renoncer à son bonus, un paquet d'actions d'une valeur de 4 millions de francs suisses. En outre, la Finma, qui enquête elle aussi sur ces filatures, pourrait lui interdire d'exercer le métier de banquier.

Interrogées sur d'autres cas de surveillance dans le cadre de la première enquête menée par Homburger, les personnes responsables n'ont pas fourni "d'informations véridiques" et "ont tu la surveillance de Peter Goerke", dont il ne restait "aucune trace" dans le système de la banque, selon les conclusions du deuxième rapport.

Peter Goerke est arrivé chez Credit Suisse en octobre 2015 peu après l'entrée en fonction du directeur général Tidjane Thiam. Fidèle collaborateur du Franco-Ivorien, il avait travaillé avec lui auprès de l'assureur britannique Prudential, tout comme Pierre-Olivier Bouée.

Thiam et Rohner hors de cause

La nouvelle enquête confirme qu'il n'y a "pas de preuve" que MM. Thiam et Rohner aient pu être au courant de ces agissements avant que l'affaire ne soit révélée dans la presse.

Les deux dirigeants avaient déjà été mis hors de cause lors du premier examen, la seule responsabilité de la filature d'Iqbal Khan ayant été attribuée au directeur des opérations Pierre-Olivier Bouée ainsi qu'au chef de la sécurité de la grande banque, Remo Boccali, qui a depuis démissionné.

Le conseil d'administration a qualifié "d'inacceptable" et "d'absolument inappropriée" cette surveillance et a présenté ses excuses à M. Goerke. Cela ne correspond "en rien" à la culture d'entreprise de la banque.

"Des mesures ont été prises par le conseil d'administration pour que de tels évènements ne se reproduisent pas", a affirmé la banque.

"Nous sommes conscients que les filatures d'Iqbal Khan et de Peter Goerke ont abîmé l'image de notre entreprise", a reconnu M. Rohner, cité dans le communiqué. "Avec les mesures mises en oeuvre, le conseil d'administration exprime clairement son refus d'une culture de la surveillance", a-t-il souligné.

Lavé de tout soupçon, du moins pour le moment, M. Thiam restera à la tête de la grande banque, soutenu par ses principaux actionnaires, des fonds américains, saoudiens et qataris, écrit le Sonntagszeitung. Mais il reste contesté par le conseil d'administration, à la fois en raison de son tempérament "colérique" et de son bilan "controversé", estime le journal.

De son côté, Urs Rohner devrait rendre son tablier comme prévu en 2021. Le prochain président du conseil d'administration devra être "doté de suffisamment de charisme pour maîtriser M. Thiam - ou si cela n'est pas possible - le renvoyer", écrit le Sonntagszeitung.

Si un lanceur d'alerte n'avait pas fourni les documents au journal NZZ, l'affaire aurait pu s'arrêter à M. Khan. Et c'est "avec effroi" que le conseil d'administration a appris que des personnes haut placées avaient menti lors de la première enquête, note le quotidien.

Tandis que l'enquête d'Homburger doit se poursuivre, tout comme celle du procureur de Zurich, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) entend aussi faire la lumière sur les pratiques de la banque au regard du droit de la surveillance. Elle a désigné vendredi un chargé d'audit indépendant, lui permettant d'approfondir "ses propres investigations". Les conclusions ne sont pas attendues avant plusieurs mois.

A la Bourse suisse, la nominative Credit Suisse a lâché près de 1,0% à 13,08 francs suisses, alors que le SMI des valeurs vedettes a engrangé 0,42%.

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