Margarita Louis-Dreyfus, qui a pris les commandes du groupe après la mort de son mari Robert Louis-Dreyfus en 2009, a cependant souligné qu'elle n'était pas pressée et que le but d'une éventuelle ouverture du capital serait de renforcer l'activité de LDC.

La femme d'affaires suisse, d'origine russe, a consacré les dix dernières années à racheter les parts des actionnaires familiaux minoritaires désireux de se désengager dans le cadre d'un accord de long terme défini par son défunt mari.

Après une décennie de transactions coûteuses agrémentées d'échanges acrimonieux, sur fond de recul des bénéfices sur des marchés agricoles difficiles, Margarita Louis-Dreyfus a finalement porté l'an dernier à plus de 96%, contre 50,1% initialement, la participation de son trust familial Akira dans Louis Dreyfus Company Holdings B.V. (LDHBV), la structure qui détient la participation familiale dans LBC.

"C'est la première fois dans nos près de 170 années d'existence que nous sommes prêts à ouvrir notre capital à un actionnaire extérieur", a-t-elle dit dans une interview à Reuters.

"Mais nous ne sommes pas sous pression. Nous voulons conserver une majorité de contrôle. Tout le reste dépend de la qualité des offres", a-t-elle ajouté.

Le groupe a déjà laissé entendre qu'il pourrait s'ouvrir à des "acteurs régionaux" pour renforcer ses positions dans les régions ou les domaines où il souhaite se développer, comme la Chine.

DREYFUS "PEUT PLEINEMENT SE CONCENTRER" SUR L'ACTIVITÉ

La consolidation de la position d'Akira au capital de la holding propriétaire de LDC a eu un coût: le trust a emprunté l'an dernier un milliard de dollars à Credit Suisse pour racheter des parts de minoritaires en fournissant ses titres dans LDC en collatéral, montrent des avis financiers.

Credit Suisse a refusé de s'exprimer.

Dans le même temps, Louis Dreyfus Company a été confronté à un contexte difficile, entre la fièvre porcine en Chine, qui pourrait ralentir la croissance économique, et la demande de protéines sur le premier marché au monde de viande de porc, et désormais l'épidémie de coronavirus.

LDC, ou Dreyfus, est le D du sigle ABCD désignant les quatre géants du négoce agricole mondial avec Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill.

Comme ses concurrents, le groupe a entrepris de restructurer ses activités, en abandonnant notamment le négoce des produits laitiers et des métaux, tout en mettant l'accent sur la transformation alimentaire, en particulier en Asie.

Pour Margarita Louis-Dreyfus, la priorité désormais est de développer l'activité.

"Jusqu'en 2018, nous étions dans le processus de consolidation de la structure actionnariale de l'entreprise. Désormais, l'entreprise est débarrassée de cette question et peut pleinement se concentrer sur l'activité", a-t-elle dit.

Un nouvel investisseur aurait à apporter de la valeur pour renforcer le groupe, a-t-elle insisté.

"Ce n'est pas qu'une question de taille. C'est aussi une question de qualité."

"SUIVRE LA VOIE INDIQUÉE PAR ROBERT"

Les rumeurs de consolidation dans le secteur sont vives depuis des approches pour Bunge, contacté il y a deux ans par le producteur de matières premières Glencore. Le chinois COFCO International est aussi considéré comme un acquéreur potentiel de rivaux à mesure qu'il se développe à l'étranger.

LDC a fait état en octobre dernier d'un bénéfice net des activités poursuivies de 73 millions de dollars au premier semestre, contre 91 millions un an plus tôt. Il avait alors indiqué que les tensions commerciales internationales, qui ont durement touché les exportations américaines de soja vers la Chine, et l'épidémie de fièvre porcine pèseraient sur son bénéfice annuel.

Dreyfus avait aussi déclaré que ses résultats annuels, qui seront publiés ultérieurement cette année, montreraient sa "résistance" à un contexte difficile.

"Nous nous adaptons à une réalité nouvelle de volatilité plus forte et d'imprévisibilité politique", a dit Margarita Louis-Dreyfus.

Un programme d'économies annoncé en interne en novembre est en outre mis en oeuvre par le nouveau directeur général adjoint Michael Gelchie, membre d'une équipe dirigeante régulièrement remaniée ces dernières années.

"Nous sommes prudemment optimistes sur le fait que nous devrions observer un rebond en 2020", a dit Margarita Louis-Dreyfus.

"En fait, tout ce que nous avons fait durant ces années, c'est de suivre la voie indiquée par Robert pour développer la stratégie de l'entreprise."

(Avec Gus Trompiz à Paris; version française Bertrand Boucey)

par Dmitry Zhdannikov