par Gwénaëlle Barzic, Sarah White et Allison Lampert

Cette union, si elle aboutit, donnera naissance à un nouveau numéro deux mondial fort d'un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards d'euros, mais encore loin derrière le numéro un chinois CRRC (environ 35 milliards de dollars de revenus annuels).

En mettant la main sur Bombardier Transport, mis en vente par sa maison mère lourdement endettée, Alstom ambitionne d'étendre son empreinte géographique, notamment en Europe du Nord, et de compléter sa gamme de produits.

"C'est une opportunité unique pour nous. Nous pensons que cela peut nous permettre de faire un bond en avant historique pour atteindre une nouvelle dimension", a déclaré le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, aux analystes financiers.

Alstom, qui avait échoué à se marier avec l'allemand Siemens face à l'opposition des autorités européennes de concurrence, s'attend à ce que la transaction avec Bombardier rencontre moins de difficultés.

"Sur les trains régionaux, c'est vrai que nous aurons une part de marché plus élevée. S'il y avait quelques difficultés, elles seront beaucoup plus simples à régler que celles que nous avions avec Siemens", a ajouté le dirigeant.

Alstom peut compter sur le soutien du gouvernement français: le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est réjoui dès lundi de l'annonce du projet, estimant que "ce rapprochement permettra à Alstom de préparer l?avenir, dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus intense".

LE MAIRE VERRA VESTAGER MARDI

Bruno Le Maire doit rencontrer dès mardi Margrethe Vestager, la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la concurrence.

Alstom prévoit de débourser entre 5,8 et 6,2 milliards d'euros, en numéraire et en titres, pour acquérir la totalité du capital de Bombardier Transport.

A l'issue de la transaction, dont la clôture est envisagée au premier semestre 2021, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), actionnaire de la division de Bombardier, deviendra le premier investisseur d'Alstom avec environ 18% du capital devant le groupe industriel diversifié Bouygues, qui verrait sa participation ramenée autour de 10% contre un peu moins de 15% aujourd'hui.

Alstom, qui procédera à deux augmentations de capital pour financer la transaction, table sur 400 millions d'euros de synergies annuelles aux environs de la quatrième ou cinquième année après sa conclusion.

Bombardier, qui va se recentrer sur son activité d'aviation d'affaires, entend consacrer le produit de la cession - entre 4,2 et 4,5 milliards de dollars - à la réduction de sa dette.

"Il est certain que j?aurais souhaité que les choses se passent autrement pour Bombardier, parce que cette entreprise a occupé et continuera d?occuper une place importante dans l?économie du Québec", a réagi le Premier ministre du Québec François Legault, tout en estimant que la présence de CDPQ au capital d'Alstom permettrait de préserver les intérêts de la province canadienne.

PAS DE MENACE POUR L'EMPLOI, ASSURE LE PDG D'ALSTOM

Les constructeurs d'infrastructures de transport cherchent à s'allier dans le but de réduire leurs coûts en devenant plus gros tout en améliorant leurs marges, peu élevées, sur le segment du matériel roulant.

Bombardier Transport, dont le siège est à Berlin, emploie plus de 40.000 personnes dans 27 pays, pour une grande partie en Europe où se trouvent la plupart de ses usines, notamment à Derby (Angleterre), Mannheim (Allemagne) ou encore Crespin dans le Nord, non loin d'un site d'Alstom.

Le PDG d'Alstom a assuré que la transaction ne serait pas une menace pour l'emploi alors que la demande est en plein essor pour le train, les trams et les métros face à la problématique du réchauffement climatique.

En Bourse, l'action Alstom gagnait 3,5% à 50,30 euros à la clôture à Paris juste avant l'annonce officielle de l'accord après avoir atteint en séance, à 50,64 euros, son plus haut niveau depuis septembre 2008. A ce niveau, la capitalisation du groupe français atteint 11,3 milliards d'euros.

Le titre Bombardier n'était pas coté ce lundi, la journée étant fériée au Canada. A la clôture de vendredi, le titre accusait une chute de 14,5% depuis le 1er janvier et de 70% par rapport à son pic de juillet 2018.

Le rapprochement laisserait sur la touche Siemens qui avait tenté de se rapprocher de Bombardier avant que les discussions n'échouent en 2017.

Selon une source proche du groupe allemand, il n'y a toutefois pas de signe laissant penser que Siemens pourrait faire une contre-offre, au vu de l'attitude du régulateur européen vis-à-vis de ses tentatives passées.

(Avec Maya Nikolaeva, Michel Rose, Henri-Pierre André à Paris, édité par Marc Angrand et Jean-Stéphane Brosse)

par Gwénaëlle Barzic, Sarah White et Allison Lampert