par Saikat Chatterjee

LONDRES, 18 juillet (Reuters) - S'il est couramment admis que le processus de fixation des prix sur un marché est d'autant meilleur que le nombre de participants à la vente comme à l'achat est élevé, les choses ne sont pas si simples, en particulier sur l'un des marchés les plus liquides au monde, celui des devises.

C'est ce qui ressort d'une étude menée par Roel Oomen, qui co-dirige les transactions électroniques sur les changes au comptant de Deutsche Bank, l'un des principaux acteurs sur le marché mondial des devises.

Augmenter le nombre d'apporteurs de liquidité ou d'intervenants sur une plates-forme de transaction peut finalement s'avérer contre-productif pour les clients finaux, a-t-il déclaré dans un entretien à Reuters.

La part de marché des banques dans les transactions sur les changes, qui portent sur plus de 5.000 milliards de dollars quotidiennement, a reculé au cours des dernières années avec la multiplication des plates-formes de transactions dédiées.

Les nouvelles technologies ont permis aussi bien aux investisseurs institutionnels qu'à de simples particuliers d'avoir accès à des cotations auparavant réservées aux acteurs du marché interbancaire. Il est désormais possible d'accéder aux meilleures offres de multiples intervenants sur un seul et unique livre d'ordre grâce aux services d'aggrégateurs.

Si certaines des plus grandes banques mondiales ont développé leur propre plate-forme de transactions pour leurs clients comme Citibank avec Velocity, elles sont aussi apporteuses de liquidité sur des plates-formes externes.

Mais l'étude de Roel Oomen montre qu'ajouter plus d'un certain nombre d'apporteurs de liquidité sur une plate-forme ne bénéficie pas au client final et peut même se traduire par de moins bons prix sur la durée.

"Cela résulte du fait que (l'augmentation du nombre de participants) renforce le risque de 'malédiction du vainqueur', un phénomène par lequel les intervenants finissent par perdre de l'argent parce qu'ils doivent offrir des prix excessivement attractifs pour remporter les transactions", a-t-il dit.

Ils sont ensuite poussés à proposer des prix moins compétitifs qu'ils ne l'auraient fait normalement afin de se protéger contre les risques de potentielles pertes futures, ce qui entraîne une baisse de la liquidité.

Les résultats de cette étude ont de lourdes implications pour les stratégies de trading et de couverture déployées par les entreprises et les grands fonds d'investissement, qui recourent de plus en plus à ces plates-formes proposées par les banques et des intervenants non bancaires.

La part de marché combinée des cinq banques les plus actives sur les changes est tombée à moins de 50% en 2016 après un pic à 60% en 2013, selon l'étude triennale réalisée par la Banque des règlements internationaux sur le marché des devises, publiée l'année dernière.

Ce recul reflète le désengagement du marché des grands fonds spéculatifs lié à la baisse de la volatilité sur le marché des changes et qui a affecté indirectement les banques traitant pour leur compte.

La difficulté à dégager des revenus réguliers sur la durée des opérations de "carry trade", consistant à emprunter des fonds dans des devises à faible taux d'intérêt pour les placer dans des devises plus rémunératrices, dans un environnement de taux bas généralisés, a aussi pesé sur les volumes de transactions.

Les échanges quotidiens sur des plates-formes d'opérateurs non bancaires comme XTX Markets, Virtu Financial et Citadel Securities, portent désormais sur des milliards de dollars quotidiennement, selon la BRI. (Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison)

Valeurs citées dans l'article : Deutsche Bank, Virtu Financial Inc