Francfort (awp/afp) - Cours de Bourse au plus bas, performances médiocres, déficiences dans la lutte antiblanchiment: Deutsche Bank a essuyé jeudi les critiques d'actionnaires dubitatifs sur les nouvelles promesses de redressement du patron Christian Sewing.

"Nous voyons les premiers signes de votre stratégie" mais le cours de Bourse - qui a fini à 6,46 euros jeudi, son plus bas niveau historique - "reflète la grande inquiétude des investisseurs" sur l'avenir de la banque, a lancé l'avocat Klaus Nieding, au nom de l'association de petits porteurs DSW.

Pour améliorer la rentabilité en berne de la première banque allemande, "un ajustement dans la banque d'investissement est indispensable", a-t-il ajouté, tout en saluant le récent renoncement à fusionner avec la rivale Commerzbank.

"La patience des actionnaires est à bout" et "les rémunérations des dirigeants ne sont pas en rapport avec les performances et le cours de Bourse", a tempêté à son tour Alexandra Anecke, chez Union Investment.

Christian Sewing a touché 7 millions d'euros l'an dernier, dont 3,7 millions de primes, après que la banque eut affiché un maigre retour aux bénéfices.

Plusieurs représentants d'actionnaires ont annoncé qu'ils ne voteraient pas la confiance à la direction, en particulier envers le président du conseil de surveillance, l'Autrichien Paul Achleitner, jugé incapable depuis sept ans de pousser la banque au redressement.

Coupes franches

M. Sewing a de son côté défendu son bilan, un an après avoir été parachuté à la tête de la banque, remplaçant l'infortuné Britannique John Cryan.

Ajustée depuis, la stratégie de la banque met l'accent sur les racines européennes et les recettes les plus récurrentes, une ligne qui devrait s'intensifier.

Pour cela, "nous sommes prêts à des coupes franches" visant la banque d'investissement, jadis fleuron de la banque avant de décliner à la suite d'innombrables affaires judiciaires.

Mais Deutsche Bank, loin d'être au bout de ses peines, a reconnu fin avril que ses recettes globales devraient stagner cette année, alors qu'une légère hausse était encore attendue début février.

M. Sewing reste néanmoins convaincu qu'il peut améliorer la rentabilité de la banque rapportée aux fonds propres, en la portant en 2019 à 4% et à 10% sur le moyen terme, contre 0,5% l'an dernier.

Outre ses coûts importants et ses recettes incertaines, Deutsche Bank souffre d'une image ternie par la cascade de procédures passées et se voit régulièrement mise en cause pour les griefs les plus divers.

En juin 2018, sa filiale américaine avait échoué aux tests de résistance annuels de la Banque centrale américaine, ce qui a mis en doute sa capacité à affronter une prochaine crise financière.

Puis en septembre, le régulateur allemand Bafin demandait au cabinet KPMG d'évaluer les progrès de la banque dans la lutte contre le blanchiment, un affront à la membre du directoire qui coiffe ce domaine, la Française Sylvie Mathérat, criblée de critiques jeudi.

Et la perquisition fin novembre des locaux de la banque francfortoise dans une enquête pour blanchiment d'argent déclenchée par les révélations des "Panama Papers" a créé un nouveau choc, notamment chez les clients.

Banque de Trump

Mercredi, la banque a reconnu une erreur de logiciel dans la vérification de paiements opérés par de gros clients, soulignant une nouvelle faille dans son système informatique déjà décriée par le passé.

Toujours aux Etats-Unis, la banque devra livrer des informations sur ses relations d'affaires avec Donald Trump, à qui elle a continué à prêter de l'argent après une série de dépôts de bilan dans les années 1990.

"Monsieur Sewing, vous nous aviez promis l'an dernier qu'on allait s'ennuyer à l'avenir, je ne veux pas savoir à quoi cela ressemblera quand ce sera agité", a ironisé Klaus Nieding.

Luisa Neubauer, jeune icône écologiste du mouvement "Fridays For Future" s'est dite "choquée" de l'"ignorance" de la banque qui continue à financer des énergéticiens exploitant les énergies fossiles comme l'allemand RWE, dont la militante avait perturbé l'assemblée début mai.

La banque ne finance pas de nouvelles centrales électriques au charbon et veut aider à la transformation de l'économie pour aider à protéger le climat, mais "nous ne voulons pas nous retirer complètement des clients traditionnels", a répliqué le patron.

Au terme de l'assemblée, Christian Sewing a vu son action sur l'année 2018 approuvée par 75,2% des actionnaires, contre 71,6% pour Paul Achleitner. Sylvie Mathérat et le patron de la banque d'investissement, Garth Ritchie, n'ont reçu que 61,4% d'approbation.

afp/rp