New York (awp/afp) - La justice américaine a étendu son enquête dans le retentissant scandale politico-financier du fonds souverain malaisien 1MDB à Deutsche Bank, en pleine restructuration, ont indiqué jeudi à l'AFP deux sources proches du dossier.

La première banque allemande estime avoir été une victime dans cette affaire.

Le département de la Justice (DoJ) essaie de déterminer si Deutsche Bank a enfreint les lois américaines en matière de blanchiment d'argent. Le ministère s'intéresse à deux transactions financières réalisées pour le compte de 1MDB par Deutsche Bank, ont dit ces sources sous couvert d'anonymat, confirmant des informations du Wall Street Journal.

L'établissement a aidé 1MDB à lever des milliards de dollars lors de ces opérations, dont 1,2 milliard en 2014. Les enquêteurs s'interrogent sur la gestion de ces fonds et le rôle de Tan Boon-Kee, ancienne responsable du département financier de Deutsche Bank en Asie-Pacifique.

Arrivée de Chez Goldman Sachs en 2013, Mme Tan a quitté Deutsche Bank en août 2018 et travaille depuis pour le groupe d'assurance FWD Group, propriété du milliardaire hongkongais Richard Li.

Basée à Singapour, elle a depuis été interrogée par les autorités locales dans le cadre des enquêtes sur 1MDB, selon une des sources.

Deutsche Bank est la deuxième grande banque occidentale impliquée dans ce scandale. Jusqu'ici les investigations avaient tourné autour de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, accusée d'avoir organisé deux émissions obligataires d'un montant total de plus de 6,5 milliards de dollars contre près de 600 millions de commissions en retour.

La firme a rejeté la faute sur certains de ses salariés de sa filiale asiatique.

C'est Tim Leissner, ancien dirigeant de Goldman Sachs en Asie, mis en cause dans cette affaire, qui aurait mis les enquêteurs sur la piste de Deutsche Bank.

M. Leissner et Mme Tan ont travaillé ensemble chez Goldman Sachs sur des transactions concernant 1MDB, avant que la banquière ne quitte la firme pour rejoindre Deutsche Bank où elle a été également en charge du fonds malaisien.

La banque coopère

M. Leissner, licencié depuis par Goldman Sachs, coopère avec les enquêteurs. Il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et plaidé coupable dans l'espoir d'obtenir la clémence des autorités.

"Deutsche Bank coopère avec tous les régulateurs et autorités judiciaires qui enquêtent sur 1MDB", a déclaré à l'AFP un porte-parole de la banque.

"Comme c'est écrit dans des documents judiciaires communiqués par le département de la Justice, 1MDB a fait des +déclarations erronées et omis de dire des choses à des dirigeants de Deutsche Bank par rapport à des transactions effectuées avec la banque+. Ceci est conforme à ce que la firme a elle-même déterminé dans cette affaire", a-t-il ajouté.

Dans une plainte du ministère de la Justice liée à 1MDB, les autorités américaines présentent Deutsche Bank comme une victime.

"Les responsables de 1MDB ont obtenu l'approbation (de Deutsche Bank) concernant les deux prêts litigieux en présentant de fausses déclarations et en omettant des faits", décrit le DoJ, ajoutant qu'ils ont par exemple assuré à la banque que les fonds levés allaient servir à aider une filiale.

Censé contribuer au développement économique de la Malaisie, le fonds souverain 1MDB (1Malaysia Development Berhad) s'est vu vider de milliards de dollars.

Ce pillage a débouché sur un vaste scandale, de multiples enquêtes judiciaires et contribué à la chute de l'ex-Premier ministre malaisien Najib Razak, inculpé de corruption. Le ministère américain de la Justice estime que 4,5 milliards de dollars ont été détournés du fonds souverain par Najib Razak et ses proches.

L'argent aurait été blanchi via le système financier américain. Il aurait notamment servi, d'après les autorités américaines, à financer des films à Hollywood comme "Le Loup de Wall Street" avec Leonardo DiCaprio et acheter des hôtels de luxe à New York par l'homme d'affaires malaisien Low Taek Jho, considéré comme le cerveau de l'affaire 1MDB.

L'enquête américaine tombe au mauvais moment pour Deutsche Bank, qui a annoncé en début de semaine une restructuration comprenant la suppression de 18.000 emplois.

L'établissement allemand fait déjà l'objet d'enquêtes pénales aux Etats-Unis et des commissions parlementaires américaines s'intéressent à ses relations d'affaires avec le président Donald Trump.

ats/rp