Ouvrant une conférence de deux jours de la Fed de Chicago sur les enjeux de long terme de la politique monétaire, Powell a expliqué que la banque centrale "suit attentivement les implications" d'un conflit commercial qui, depuis la dernière réunion monétaire de la Fed, perturbe les marchés obligataires et boursiers et représente un risque pour la croissance économique mondiale et celle des Etats-Unis.

"Nous ne savons pas de quelle manière ces questions seront réglées et quand elles le seront", a-t-il dit.

"Comme toujours, nous agirons comme il se doit pour soutenir la croissance, avec un marché du travail solide et une inflation proche de notre objectif symétrique de 2%".

Sur les marchés, les propos de Jerome Powell sur les taux ont fait reculer le dollar face un panier de devises internationales tandis que le rendement des Treasuries à dix ans a temporairement réduit ses gains.

POWELL NE PARLE PLUS DE PATIENCE

Dans son discours, Powell n'a pas redit que l'objectif de la banque centrale pour le taux des Fed funds était adapté et n'a pas non plus réitéré son engagement à être "patient" avant de modifier de nouveau les taux, deux éléments clés des dernières déclarations de l'institut d'émission.

Ses propos semblent aussi témoigner d'un certain scepticisme sur la possibilité de voir les Etats-Unis régler leurs différends avec leurs partenaires commerciaux d'une manière et dans un laps de temps qui ne soient pas trop préjudiciables à la croissance économique des Etats-Unis.

Le sentiment que les conflits commerciaux sont appelés à durer, avec une hausse des droits de douane à la clé, a amené James Bullard, le président de la Fed de Saint-Louis, à déclarer lundi qu'une baisse des taux aux Etats-Unis "pourrait être bientôt justifiée".

James Bullard a été ainsi le premier responsable de la banque centrale à évoquer aussi clairement une éventualité de plus en plus envisagée par les marchés.

"Powell (...) ne va pas aussi loin que Bullard hier mais il évoque les mêmes éléments d'incertitude : les tensions commerciales et la faible inflation", commente John Doyle, responsable du trading chez le broker Tempus à Washington.

"On assiste probablement au début d'une initiative verbale coordonnée de la Fed pour préparer les intervenants des marchés à au moins une baisse de taux cette année."

"La Fed commence à prendre acte que la faible inflation rend sa politique peut-être trop restrictive", confirme Jon Hill, stratège taux chez BMO Capital Markets à New York. "Pour nous juin c'est un peu tôt mais pas impossible. Plus probablement cela entrouvre la porte à un assouplissement plus tard dans l'année."

La Fed n'a plus touché aux taux depuis qu'elle les a relevés pour la dernière fois en décembre, portant l'objectif des Fed funds à 2,25%-2,50%. Même si cet objectif est bas, par comparaison avec le passé, il avoisine le niveau considéré comme "neutre" par les autorités, c'est-à-dire qu'il n'encourage ni ne dissuade l'investissement.

Avec des taux d'intérêt et une inflation aussi bas, toute récession à l'avenir obligera sans doute la Fed à ramener encore les taux au niveau de zéro et à recourir à des outils "non conventionnels" comme les rachats obligataires pour soutenir l'économie, a observé Jerome Powell.

Des taux d'intérêt aussi proches de zéro "sont devenus le principal défi de la politique monétaire à notre époque", a-t-il dit. "Peut-être faut-il retirer le terme 'non conventionnel' lorsqu'on se réfère à des outils employés durant la crise. Nous savons que l'on aura sans doute besoin de tels outils sous une forme ou sous une autre à l'avenir."

Ce n'est pas la première fois que Powell profite d'événements autres que la traditionnelle réunion de politique monétaire pour préciser ses vues.

Le 4 janvier, à l'occasion d'une conférence de l'American Economic Association, il avait fait savoir aux investisseurs que la Fed en avait probablement fini avec son cycle de hausse des taux qu'elle comptait jusque là poursuivre.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, avec la contribution de Laetitia Volga, édité par Véronique Tison)

par Howard Schneider et Ann Saphir