par Michael Georgy

MOSSOUL, 22 janvier (Reuters) - Accueillis en héros par les habitants de Mossoul-Est, libérés de la présence des djihadistes de l'Etat islamique, les hommes des unités d'élite du Service irakien anti-terroriste (CTS) savent que les combats à venir de l'autre côté du Tigre s'annoncent plus difficiles.

Entouré de gardes du corps, le général Abdelwahab al Saadi, commandant du CTS, a fait samedi le tour des maisons du quartier de Mohandiseen, non loin de l'université. Dans les rues, des habitants portent à bout de bras leurs enfants qui regardent les combattants du CTS. On se prend en selfie avec le général Saadi.

Mais les traces des préparatifs minutieux de l'EI et du régime de terreur instauré dans la ville sont légions. Dans une maison, des instructions sur la fabrication de bombes traînent à côté d'un grand seau rempli de clous - destinés à être intégrés aux explosifs pour maximiser les dégâts -, de câbles et de détonateurs. A côté, un épais manuel d'instruction au maniement d'armes automatiques russes et des données sur l'utilisation de missiles antichar.

Lancée le 17 octobre dernier, la bataille de Mossoul, à laquelle participent 100.000 soldats irakiens, combattant kurdes et membres de milices chiites appuyés par les moyens de la coalition internationale sous commandement américain, est la plus grande opération militaire en Irak depuis l'entrée des Etats-Unis dans le pays en 2003.

Les forces irakiennes ont annoncé mercredi dernier avoir repris la plupart des quartiers de Mossoul situés à l'est du Tigre, le fleuve qui coupe la grande ville du nord de l'Irak.

La prochaine phase de l'offensive, sur la rive occidentale, pourrait débuter dans quelques jours. Elle sera sans doute plus difficile. L'ouest de Mossoul est caractérisé en effet par ses rues étroites et ses contre-allées qui empêchent le passage des chars et autres grands véhicules blindés.

Contrôlée depuis juin 2014 par les djihadistes, Mossoul est la plus grande ville encore aux mains de l'EI et la dernière place forte du califat décrété ici même par Abou Bakr al Baghdadi en Irak et en Syrie.

Si la chute de la ville signerait la fin du califat, les djihadistes pourraient cependant poursuivre leur insurrection en Irak et continuer d'inspirer des attaques dans des pays occidentaux. Ils s'efforcent également de consolider leurs positions en Syrie.

DRONES, SALLE DE TORTURE

Dans les maisons inspectées par l'armée, les signes de la détermination et de l'organisation des combattants djihadistes sont là.

Un des logements a manifestement été réquisitionné pour la production de petits drones utilisés pour des activités de surveillance et des attaques. Les djihadistes y ont laissé des petits équipements dans leur fuite, à côté de formulaires frappés du logo de l'EI détaillant le type de mission de drone: largage de bombe, avion explosif, espionnage ou entraînement. Une section du document requiert de renseigner le nom du pilote de l'appareil.

Sous la férule de l'Etat islamique, Mossoul-Est a vu se multiplier les exécutions sommaires et les décapitations des personnes soupçonnées d'opposition.

Les soldats d'Abdelwahab al Saadi se sont vus signaler une villa convertie en prison et centre de torture, des barreaux avaient été placés dans les pièces à l'étage.

"On nous a dit que les voisins entendaient des cris", rapporte le général Saadi. "Ils emprisonnaient quiconque contestait leur autorité. Quiconque refusait de se battre pour eux."

A quelques rues plus au nord, surplombant le Tigre, l'ancien hôtel de luxe Niniveh Oberoi, renommé Hôtel des Héritiers (Waritheen) par les djihadistes, offre un autre regard sur l'EI. "C'était l'endroit où ils rassemblaient des (combattants) étrangers et des kamikazes. Un cinq étoiles pour leur donner du courage", dit le général, qui se tient sur le toit de l'établissement.

De l'autre rive du Tigre montent des coups de feu et des bruits d'explosions, signes de la bataille à venir.

(Julie Carriat pour le service français, édité par Henri-Pierre André)