L'objectif serait de sanctuariser le financement et l'exploitation des centrales du groupe en les mettant à l'abri des aléas du marché, ce qui reviendrait à faire du nucléaire un "actif essentiel" à la France afin notamment de justifier l'opération auprès de la Commission européenne.

L'option d'une holding de tête aurait le mérite de préserver formellement l'intégrité de l'électricien public, une condition sine qua non formulée par l'Elysée dans sa demande au groupe de lui faire des propositions, annoncée mardi lors de la présentation des grandes lignes de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Elle permettrait aussi de monétiser et donc financer à plus long terme les actifs d'EDF dans les renouvelables, les réseaux et les services énergétiques, promises à une forte croissance au cours des prochaines décennies et qui seraient rassemblés au sein d'une structure équivalent à un "nouvel EDF".

"On restera toujours sur un groupe. Un groupe peut avoir des filiales mais ce sera toujours un groupe", a indiqué une source à l'Elysée dans la foulée des annonces d'Emmanuel Macron, alors que les syndicats redoutent un démantèlement de l'entreprise.

Les propositions d'EDF devront aussi "permettre de dédier les moyens et financements adéquats pour chaque activité", a également fait savoir la présidence de la République.

Concrètement, l'Etat français pourrait prendrait en charge l'intégralité des activités nucléaires mais aussi garder le contrôle du "nouvel EDF", qui pourrait toutefois rester coté et qui aurait vocation - probablement dans un second temps - à s'ouvrir à d'autres investisseurs.

Cette solution imposerait toutefois d'indemniser les actionnaires minoritaires (16,3% du capital actuellement) en leur proposant par exemple une action du "nouvel EDF" pour une action ancienne, ainsi qu'une rémunération pour la partie nucléaire qui serait reprise intégralement par l'Etat.

UN "DÉCOUPAGE JURIDICO-FINANCIER" À AFFINER

"Tout le parc de production et l'activité commerce resteraient au sein de la maison-mère. Le découpage juridico-financier des autres activités existe déjà, mais il faudrait l'affiner", expliquait récemment une source au fait des intentions de l'Etat.

"Le maintien de l'unité du groupe peut-être assuré dans ce scénario. Il ne s'agit pas de le casser en déconsolidant les réseaux et les renouvelables (...), on peut faire la même chose avec un groupe unifié", selon la même source.

François de Rugy a pour sa part résumé ainsi l'équation à résoudre : "Le débat est de savoir (...) quels actifs sont mis dans telle ou telle structure pour que les choses soient à la fois claires et efficaces."

Le ministre de la Transition écologique a également évoqué "le poids des engagements financiers passés" et les moyens "de voir comment pouvoir les assumer dans la durée".

Cette déclaration peut être vue comme une allusion à la nécessité pour l'Etat de garantir la couverture des coûts du nucléaire et de faire face aux passifs liés à la filière - en particulier les dépenses de démantèlement des centrales et de gestion des déchets.

"On ne peut pas être dans un dispositif où le nucléaire est exposé au marché", selon la source au fait des projets de l'Etat. "La restructuration d'EDF est conditionnée à une nouvelle régulation du nucléaire, sinon l'Etat s'expose encore plus à un risque démesuré."

Emmanuel Macron a quant à lui souligné mardi dans son discours la volonté du gouvernement de mettre en place "une nouvelle régulation du parc nucléaire existant" et des prix de vente de l'électricité d'origine nucléaire.

"Les mots employés restent peu clairs (mais) les remarques de François de Rugy suggèrent selon nous que certains actifs d'EDF pourraient être placés dans des filiales et que des discussions sont en cours entre les parties prenantes", ont estimé dans une note les analystes de Jefferies.

Le degré de précision du projet est toutefois encore insuffisant pour tirer des conclusions quant aux effets positifs attendus d'une opération sur la valorisation d'EDF, ont-ils ajouté.

Après les annonces d'Emmanuel Macron, l'action EDF a clôturé en hausse de 0,4% à la Bourse de Paris.

(Avec Jean-Baptiste Vey et Simon Carraud, édité par Jean-Michel Bélot)

par Benjamin Mallet

Valeurs citées dans l'article : Total, ENGIE, Electricité de France