Supersonic avait en juin dernier fait l’objet d’une OPA de la part d’un leader américain, Hologic, après une longue dégringolade boursière due à des ventes décevantes. La prime était alors ressortie à 44% mais le cours venait de s’effondrer, à l’image de celui d’EOS, emporté en la semaine dernière par la correction boursière générale liée au coronavirus. Dans ce cadre, la prime instantanée de 64% offerte par l’américain Alphatec pour son offre en cash à 2,8 EUR sur EOS Imaging n’a rien d’alléchante.

Elle témoigne encore une fois de l’incapacité de nos acteurs les plus innovants à passer, même avec le soutien du bras financier de l’Etat français (la Bpi) ou d’un des principaux fonds chinois (Fosun), certaines étapes de leur développement commercial. La faible valorisation boursière d’EOS Imaging, malgré une technologie reconnue par les plus grands hôpitaux américains comme son management nous l’expliquait récemment dans une interview, a sans aucun doute accéléré la fin de l’aventure autonome de cette société fondée à partir des travaux de Georges Charpak, Prix Nobel de physique 1992.

EOS Edge : le dernier système d'imagerie en 3 dimensions d’EOS Imaging

EOS Edge : le dernier système d'imagerie en 3 dimensions d’EOS Imaging

En choisissant l’offre alternative d’Alphatec d’échanger 23% des titres de la société EOS contre ceux de l’américain, les principaux actionnaires (Fosun Pharma et Bpi France soit respectivement 13% et 8,5% du capital) ainsi que la fondatrice et le Directeur Général d’EOS montrent qu’ils croient encore dans le potentiel de leur produit, mais dans un autre cadre. Industriel d’abord, car des synergies industrielles et commerciales sont attendues de l’alliance avec Alphatec, notamment aux Etats-Unis où les solutions d’EOS, onéreuses, semblent les plus pertinentes. Boursièrement ensuite, puisque malgré des pertes chroniques et des ventes en croissance modérée ces dernières années, le californien "ATEC" est mieux valorisé, à environ 3x les ventes 2020 attendues par le consensus, contre un peu plus de 2x pour EOS.

Pour continuer seul jusqu’en 2022, horizon estimé par les analystes pour l’atteinte par EOS de son équilibre financier, EOS Imaging devait passer par la case augmentation de capital. Une opération probablement trop dilutive pour les actionnaires compte tenu des niveaux de valorisations et des moyens commerciaux nécessaires pour conquérir des parts de marchés face aux quatre géants américains qui se partagent 80% du marché.

Reste à savoir si la complémentarité des gammes d’ATEX et d’EOS sera suffisante pour faire du nouvel ensemble un acteur majeur et profitable.  ATEC  a développé  une  solution  à  forte  différenciation, qui permet au  chirurgien de  disposer, au bloc opératoire, d’une information qui associe voie d’approche, implants spécifiques, système de monitoring des voies nerveuses et la plateforme Informatix. EOS apporte une solution unique et reconnue pour fournir au chirurgien, à partir d’images basse dose bi-plan du patient en position debout, des mesures biomécaniques 3D à partir  desquelles  le  clinicien peut  entre autres analyser l’équilibre sagittal du patient, planifier son geste et évaluer le résultat post-opératoire. La combinaison des offres  des  deux  entreprises  permettrait notamment d’améliorer la  prise  en  charge  du  patient, du diagnostic au contrôle post-opératoire et au suivi long terme. Selon Pat Miles, PDG d’ATEC, "Alors que les grands acteurs de la chirurgie du rachis investissent dans des technologies de facilitation, notre vision est différente. Avec AlphaInformatiX, nous avons créé un canal pour apporter l’information au bloc opératoire. Cette opération intégrera l'imagerie du  rachis et la modélisation anatomique sur la plateforme pour enrichir l'expérience chirurgicale. En associant les solutions basées sur  les technologies d’approche d'ATEC à l'imagerie fondée sur la technologie récompensée par un prix Nobel, nous allons accroître considérablement la demande de dispositifs ATEC  et  de  systèmes  EOS  et créer un  formidable avantage concurrentiel."

La question des moyens financiers reste posée pour le nouvel ensemble, le bilan d’ATEC affichant une dette financière nette de plus de 10 M$ à l’issue du 3e trimestre 2019 à l’issue d’une augmentation de capital de 54 M$. Une situation financière qui explique aussi l’OPE proposée par ATEC en complément de l’OPA en cash qui aurait sinon, y compris les OCEANES EOS à rembourser, occasionné un décaissement de plus de 100 M€, soit environ un tiers de la capitalisation boursière d’ATEC.

Toujours est-il que cette issue a de quoi laisser un goût amer aux actionnaires d’EOS. Elle vient allonger la liste des medtechs françaises rachetées par des acteurs américains. Outre Supersonic Image citée plus haut, cette opération n’est pas sans rappeler également le rachat de Vexim par Stryker en 2017. A qui le tour ? Medicrea International fait clairement partie des prétendantes.

Une ambition à l’horizon 2022 qui a motivé une augmentation de capital d’environ 50 M€

Atec : une ambition à l’horizon 2022 qui a motivé une augmentation de capital d’environ 50 M€ au 3e trimestre 2019 (source : ATEC)