Si tout s'était passé comme prévu, Erytech aurait dû obtenir le feu vert à la commercialisation de son traitement contre la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL, ou ALL en anglais) en Europe d'ici la fin de l'année. Mais le processus d'examen d'Eryaspase (GRASPA) n'ira pas plus loin dans cette indication. Même si des données favorables ont été obtenues, le laboratoire lyonnais considère que des investissements supplémentaires significatifs seraient nécessaires pour rechercher un enregistrement du produit dans cette pathologie et retire donc sa demande de mise sur le marché. Le management cite les contraintes réglementaires mais aussi l'émergence de concurrents dans cette indication et un potentiel commercial par conséquent plus limité.

Recentrage sur les autres indications

Les ressources libérées doivent permettre de se concentrer sur les tumeurs solides et sur les autres développements précoces en cours (notamment Erymethionase et Erymmune). Une étude pivot de phase 3 est attendue dans le traitement de seconde ligne du cancer du pancréas métastatique en combinaison avec la chimiothérapie, avec un recrutement de patients qui devrait commencer avant la fin de l'été. Erytech a aussi prévu de financer dès cette année une étude de preuve de concept de phase 2 d'environ 120 patients dans le traitement de première ligne du cancer du pancréas (premier patient recruté au 1er semestre 2019).

Le laboratoire va en outre tester son principal candidat dans le cancer du sein triple négatif métastatique (CSTN). Une étude de preuve de concept de phase 2 se prépare avec un premier recrutement au 4ème trimestre 2018. D'autres possibilités de développement sont examinées dans d'autres formes ou stades de cancer du pancréas et dans d'autres indications de tumeurs solides où les besoins médicaux non satisfaits sont importants. Enfin, Erytech est en train de construire un nouveau site de production à grande échelle à Princeton aux États-Unis et d'agrandir son site lyonnais. Les deux extensions de capacité devraient être opérationnelles pour la production de lots cliniques au 1er trimestre 2019.

Quel impact ?

Il faudra attendre les commentaires des bureaux d'études spécialisés et la conférence téléphonique prévue en début d'après-midi pour jauger des conséquences précises de cette annonce. Mais pas besoin d'être particulièrement clairvoyant pour annoncer qu'elle est négative, en témoigne le comportement du titre à l'ouverture, puisqu'après avoir été incotable pendant plusieurs minutes, il a commencé à s'échanger en baisse de plus de 20%, autour de 12,10 euros. Il a oscillé en début de matinée entre 11,71 et 12,47 euros.

Jefferies, l'un des bureaux d'études qui suit le dossier, espérait initialement la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché de GRASPA dans la LAL en fin d'année, et à des indications additionnelles sur le processus aux Etats-Unis, qui n'avait pas été engagé (et qui ne le sera a priori jamais). Cependant, cette indication ne représentait que 4 euros sur les 39 euros de valorisation du dossier par l'analyste Peter Welford, qui n'anticipait que 140 millions de dollars de ventes mondiales au pic pour le candidat dans la LAL. Ce matin, le spécialiste reste acheteur avec son objectif de 39 euros, car il estime la décision rationnelle. Il regrette l'absence du coup d'accélérateur qu'aurait constitué une AMM en Europe avant la fin de l'année, mais campe sur ses positions : le marché sous-estime le potentiel d'Eryaspase dans le cancer pancréatique, qu'il évalue à 25 euros par action. Welford pense que les 172 millions d'euros en caisse au 31 mars dernier seront suffisants pour financer les opérations jusqu'en 2021.