(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* L'espoir sur le commerce porte les marchés d'actions

* Les risques n'ont cependant pas disparu

* L'Allemagne pourrait entrer en récession

* Le président de la Fed va prendre la parole

par Patrick Vignal

PARIS, 12 novembre (Reuters) - L'annonce probable d'une entrée en récession de l'Allemagne au troisième trimestre pourrait réveiller brutalement des marchés bercés par le rêve pourtant fragile d'un accord commercial transitoire entre les Etats-Unis et la Chine.

La première estimation du produit intérieur brut (PIB) de la première économie d'Europe au troisième trimestre est attendue pour jeudi et devrait, selon toute vraisemblance, signaler un nouveau repli après celui de 0,1% enregistré au deuxième trimestre.

L'Allemagne, en première ligne dans le conflit commercial parce que son économie dépend très fortement des exportations de son industrie, serait alors officiellement en récession technique, définie par deux trimestres consécutifs de contraction du PIB.

Il n'en faut peut-être pas davantage pour relancer la crainte d'une récession généralisée, à l'heure où un cycle économique particulièrement long montre des signes d'essoufflement, avec en particulier un net ralentissement de l'activité manufacturière.

Cette peur a été alimentée par l'inversion pendant plusieurs mois de la courbe des taux américains, phénomène historiquement annonciateur de l'arrivée d'une récession à plus ou moins court terme.

"La courbe n'est plus inversée, sans que cela ne change en rien le signal", écrivent dans une note les économistes d'Oddo BHF.

Ce signal, ajoutent-ils, est utile mais pas infaillible.

"La baisse des taux de la Fed, le reflux des tensions géopolitiques, la solidité de l'emploi et la reprise de l'immobilier sont des éléments bien plus instructifs pour anticiper l'évolution du cycle US à court terme", argumentent-ils. "Tout cela ne pointe pas vers la récession."

LES ACTIONS CONTINUENT DE GRIMPER

Une analyse partagée par les experts de Federal Finance Gestion, qui écartent eux aussi les scénarios les plus alarmistes.

"La croissance économique ralentit dans plusieurs pays depuis quelques mois maintenant, notamment en Chine, en Allemagne et aux États-Unis", reconnaissent-t-ils.

"Ce ralentissement est très marqué dans les domaines manufacturiers et l'industrie mais beaucoup moins au niveau de la consommation et des services", tempèrent-ils toutefois. "La croissance mondiale n'a, pour l'instant, pas été revue à la baisse mais devrait être moins forte en 2019 et 2020 que les années précédentes."

Dans ce contexte, les marchés d'actions continuent de progresser en dépit de valorisations élevées de plus en plus difficiles à justifier, portés par la posture très accommodante des grandes banques centrales mais aussi par le recul des tensions politiques.

Malgré des hauts et des bas dans les tractations entre les deux premières économies du monde, les investisseurs misent en effet toujours sur un accord commercial partiel avant la fin de l'année, dont Donald Trump pourrait se vanter dans la perspective de l'élection présidentielle de l'an prochain.

Des responsables des deux camps ont évoqué la levée par étapes les droits de douane supplémentaires qu'ils se sont imposés ces derniers mois.

Certains conseillers du président américain ont cependant fait par de leur opposition à un tel arrangement, ce qui a eu pour effet de mettre un terme à une longue séquence de hausse sur les marchés d'actions.

L'heure est à l'apaisement relatif également en Grande-Bretagne, où le Premier ministre Boris Johnson vient de se lancer dans la campagne en vue des élections générales anticipées du 12 décembre.

La tenue de ce scrutin et le report au 31 janvier de la date du divorce entre Londres et Bruxelles font reculer, selon les investisseurs, la probabilité d'un Brexit sans accord.

UN OPTIMISME SURPRENANT

Les doutes restent cependant bien présents et l'optimisme des marchés a de quoi surprendre, d'autant plus que les indices d'activité restent mauvais un peu partout et que les bénéfices des entreprises reculent aux Etats-Unis comme en Europe, même s'ils sont supérieurs aux attentes, pointe la société de gestion allemande DWS dans sa note mensuelle à l'intention des investisseurs.

"Les échéances manquées et les retournements imprévisibles des deux côtés de l'Atlantique auraient de quoi perturber les marchés", lit-on dans la note. "Au contraire, ils ont l'air heureux, avec des indices actions à des niveaux records."

L'insouciance des investisseurs s'explique, selon DWS, par la puissance du cocktail monétaire que leur servent les grandes banques centrales.

La Réserve fédérale, dont le président, Jerome Powell, s'exprimera mercredi devant le Congrès américain, devrait cependant baisser les doses puisqu'elle ne prévoit aucune nouvelle baisse de ses taux à ce stade, rappelle Jean Boivin, responsable mondial de la recherche pour le BlacRock Investment Institute.

S'il dit prévoir une reprise de la croissance à un horizon de six à 12 mois, l'expert du numéro un mondial de la gestion d'actifs n'en reste pas moins prudent.

"Nous redoutons toujours que le ralentissement de l'activité manufacturière provoqué par la montée du protectionnisme ne s'étende au reste de l'économie", dit-il.

Une entrée de l'Allemagne en récession ou de nouveaux obstacles sur la voie d'un accord commercial partiel seraient donc de nature à alimenter ses craintes et à ramener le doute dans l'esprit des investisseurs.

(édité par Marc Angrand)