par Lindsay Dunsmuir et Ann Saphir

La Réserve fédérale des Etats-Unis a laissé inchangé mercredi son principal taux d'intérêt, déjà quasi nul, et réaffirmé qu'elle était prête à employer "l'ensemble de sa gamme d'outils" pour soutenir l'économie pendant la pandémie de coronavirus, qui va selon elle non seulement plomber l'activité à court terme mais fait peser "des risques considérables" à moyen terme.

"Nous faisons tout ce que pouvons" pour aider les entreprises et les ménages américains à surmonter la crise sanitaire, a assuré son président, Jerome Powell, lors d'une visioconférence de presse à l'issue de deux jours de débats du Federal Open Market Committee (FOMC). Il a ajouté que la menace économique liée au coronavirus pourrait subsister pendant un an encore.

"Nous continuerons d'utiliser nos outils pour faire en sorte que la reprise, lorsqu'elle interviendra, soit aussi solide que possible", a-t-il dit.

Pour l'instant, a-t-il expliqué, la politique monétaire est appropriée mais la situation pourrait changer. "Il est tout à fait possible que l'économie ait besoin d'un soutien accru de notre part à tous pour que la reprise soit solide", a-t-il dit.

Ces déclarations sont intervenues quelques heures à peine après l'annonce d'une contraction de 4,8% en rythme annualisé du produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre, la plus forte depuis 2009, et alors que plus de 26 millions d'Américains se sont inscrits au chômage en cinq semaines.

Jerome Powell a déclaré s'attendre à ce que le PIB subisse une contraction à deux chiffres au deuxième trimestre et à ce que le chômage augmente fortement, estimant que même après la reprise de l'activité économique, il faudrait "un certain temps" pour que les ménages recommencent à consommer.

MENACES À COURT TERME SUR L'INFLATION ET L'EMPLOI

Dans son communiqué, la banque centrale explique que "la dégradation de la demande et la baisse importante des prix du pétrole pèsent sur l'inflation des prix à la consommation".

La crise sanitaire en cours "pèsera lourdement sur l'activité économique, l'emploi et l'inflation à court terme et implique des risques considérables pour les perspectives économiques à moyen terme", ajoute la Fed, qui se dit donc "déterminée à utiliser toute la gamme de ses instruments pour soutenir l'économie américaine dans cette période difficile, afin de promouvoir ses objectifs de plein emploi et de stabilité des prix".

"Le passage le plus significatif porte sur le fait que le FOMC est préoccupé par les risques à la baisse sur les perspectives économiques à moyen terme, ce qui suggère qu'il va rester extraordinairement accommodant pendant plusieurs années", estime Guy Lebas, stratège obligataire chez Janney Montgomery Scott.

"Quand ils lèvent la tête pour déclarer qu'ils utiliseront toutes leurs munitions, cela revient à un message de soutien significatif", ajoute-t-il.

Wall Street restait en nette hausse après ces annonces et l'indice phare Standard & Poor's 500 a clôturé en hausse de 2,66%, profitant d'un regain d'espoir concernant un traitement potentiel du COVID-19.

Le rendement des bons du Trésor à dix ans affichait alors une hausse d'un peu plus d'un point de base à 0,6237% tandis que le dollar cédait du terrain face aux autres grandes devises.

DES MESURES EXCEPTIONNELLES DÉJÀ EN PLACE DEPUIS MARS

Depuis le début de la crise du coronavirus, la Fed a réduit en urgence l'objectif de taux des "fed funds", le principal instrument de sa politique monétaire, pour le ramener à 0%-0,25%.

Et mercredi, elle a dit s'attendre à ce qu'il reste à ce niveau "jusqu'à ce qu'elle soit convaincue que l'économie a surmonté les événements récents et est en bonne voie pour atteindre ses objectifs de plein emploi et de stabilité des prix", une formulation identique à celle employée dans son précédent communiqué, le 15 mars.

La banque centrale a aussi réaffirmé qu'elle continuerait d'acheter des bons du Trésor et des emprunts immobiliers titrisés afin de contribuer au bon fonctionnement des marchés, tout en fournissant des liquidités abondantes aux institutions financières.

Les dispositifs créés par la Fed depuis début mars représentent un montant total de quelque 2.300 milliards de dollars mobilisé pour soutenir le marché des emprunts de collectivités locales, celui des obligations d'entreprises, y compris des titres à haut rendement et mal notés, ou encore celui du crédit aux petites et moyennes entreprises.

Cet arsenal est régulièrement complété en fonction de l'évolution des marchés: lundi, la banque centrale a ainsi annoncé l'extension de son programme d'achats d'emprunts de collectivités locales, doté de 500 milliards de dollars (460 milliards d'euros environ), à des comtés de moins de deux millions d'habitants et aux villes de moins d'un million d'habitants.

Ces dispositifs ont eu pour effet un gonflement exceptionnel du bilan de la banque centrale, qui atteignait la semaine dernière 6.620 milliards de dollars, un montant sans précédent, contre 4.290 milliards début mars.

* Le communiqué de la Fed (en anglais):

(Version française Marc Angrand)