NEW YORK (awp/afp) - Influenceurs rémunérés, mèmes, le milliardaire Michael Bloomberg use de tous les outils pour promouvoir sa candidature à la primaire démocrate sur les réseaux sociaux, testant la capacité des plateformes à encadrer ces pratiques.

Elles ont fleuri un peu partout sur Instagram depuis quelques semaines, ces captures d'écran de conversations privées sur des messageries en ligne: des échanges --montés de toutes pièces-- entre un influenceur et le compte officiel de Michael Bloomberg.

A chaque fois, le candidat utilise un ton décalé pour demander à ces utilisateurs très suivis de lui donner de la visibilité, tout en ayant l'air d'être dans le coup.

Même si tous signalent, en tête de message, que le candidat démocrate les a payés, "l'équipe de campagne Bloomberg nous emmène en territoire inconnu", estime Emerson Brooking, chercheur au centre de réflexion Atlantic Council.

Facebook encourage les utilisateurs, payés par l'ex-maire de New York pour participer à ces montages et les relayer, à ne pas cacher cette rémunération, mais ne peut s'assurer que c'est systématiquement le cas.

En outre, même quand ils sont identifiés, ces messages ne sont pas comptabilisés par le premier réseau social mondial dans son inventaire des publicités des candidats, créé en 2019 et consultable librement.

Tout cela "est fait pour pour créer l'apparence d'un soutien spontané sur internet qui n'existe peut-être pas", selon Emerson Brooking.

"Bloomberg met en évidence la vulnérabilité" des réseaux sociaux, explique Eric Wilson, spécialiste en stratégie numérique pour des candidats républicains.

Plus difficiles à démasquer encore, les "mèmes", ces images comiques virales que créent, pour Michael Bloomberg, des comptes de référence payés par le candidat, qui bat tous les records de dépenses publicitaires avec 500 millions de dollars dépensés depuis le lancement de sa campagne.

Une fois que l'image se met à circuler, beaucoup ne savent plus qu'elle a été fabriquée avec de l'argent d'une campagne politique. Là encore, les réseaux sociaux peinent à encadrer ces tactiques.

"Les plateformes réagissent et s'adaptent en temps réel", observe Lindsay Gorman, chercheuse à l'Alliance for Securing Democracy, organisme de lutte contre les manipulations du processus démocratique.

Beaucoup réclament à la Commission électorale fédérale américaine (FEC) de préciser ses règles pour éviter autant que possible les ambiguïtés, même si l'institution estime que ses textes sont suffisamment clairs en l'état.

Mi-février, la responsable de la FEC, Ellen Weintraub, a publiquement réclamé à Facebook de se montrer plus proactif sur le sujet.

Les techniques incriminées n'avaient "jamais été utilisées par un candidat, mais ont été employées avec succès par les marques", relève Mark Jablonowski, de la société de campagne numérique DSPolitical.

A la télévision aussi, Michael Bloomberg ose davantage que les autres candidats démocrates.

Il s'est notamment distingué cette semaine par une publicité qui laissait croire, à tort, que ses rivaux du dernier débat démocrate étaient restés sans réponse, plus de 15 secondes, à une de ses questions.

"Bloomberg repousse les limites de ce qui est possible parce qu'il peut tout" financièrement, analyse Ken Goldstein, professeur de sciences politiques à l'université de San Francisco. "Mais je ne suis pas sûr qu'il dépasse les limites de l'éthique."

"Aucune substance"

Reste la question de l'efficacité de cette stratégie sur les électeurs.

"Les candidats s'inquiètent beaucoup de l'efficacité, de l'optimisation de leurs dépenses", analyse Ken Goldstein, professeur de sciences politiques à l'université de San Francisco.

Mais pas Michael Bloomberg, 9e fortune mondiale selon Forbes, prêt à consacrer de l'argent à "absolument tout ce qui pourrait avoir un impact positif".

Pour Brian Freeman, PDG d'Heartbeat, société qui met en contact marques et influenceurs, si la campagne avec ceux-ci était brillante, le candidat Bloomberg n'a pas transformé l'essai.

"C'était un coup pour attirer l'attention, mais sans aucune substance," dit-il.

Après ces "posts", "nous ne l'avons plus revu sur nos fils" d'actualité, estime M. Freeman. "Il n'a pas entamé de conversation avec ce public" dont il avait attiré l'attention sur les réseaux sociaux.

Certains influenceurs ayant participé à sa campagne ont même été vertement critiqués.

A l'avenir, "combien d'entre eux prendront le risque d'être traités de vendus?" s'interroge Travis Nelson Ridout, professeur à l'université de Washington State.

"Ils risquent de perdre une partie de leur audience", ce qui devrait les inciter à ne pas réitérer, abonde Brian Freeman.

Pour autant, et même si le budget historiquement élevé du candidat Bloomberg en fait un cas à part, il estime que cela n'empêchera pas d'autres candidats d'investir dans des campagnes similaires.

Pour Ken Goldstein, "ce n'est pas la dernière fois qu'on parle de candidats qui payent des influenceurs".

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